Au sommaire le 05 septembre 2014
Gwangju : une biennale qui met le feu
Jessica Morgan, commissaire de la 20e Biennale de Gwangju, a choisi pour thème « Burning down the house ». Une Biennale engagée et jouissive. Reportage
Le pays du Matin calme ne l'a pas toujours été, calme. Colonisée par le Japon, qui y pratiqua l'esclavage sexuel pendant la Seconde Guerre mondiale, la Corée fut secouée en 1950 par une guerre civile soldée par la séparation entre le Nord et le Sud. La partition fut suivie côté Sud de massacres de prétendus sympathisants communistes. Cet épisode peu glorieux de l'histoire coréenne est moins souvent évoqué que l'insurrection civile de 1980 à Gwangju, réprimée dans le sang par la dictature militaire. Le trauma lié à cet événement est tel que le théâtre des exactions a été laissé intact, telle une plaie béante en centre-ville. Évoquer cet événement s'impose en exercice obligé de la Biennale de Gwangju. Conservatrice à la Tate Modern à Londres et commissaire de cette cuvée (lire page 7), Jessica Morgan n'y déroge pas. Peut-être s'y prête-t-elle avec plus d'empathie que ses prédécesseurs par la grâce de l'artiste Minouk Lim. Dans une vidéo terriblement poignante doublée d'une touchante performance hier, lors du vernissage de la biennale, cette Coréenne croise la douleur des familles des gens massacrés dans les années 1950 et l'émotion toujours vive des parents de ceux qui périrent dans la rébellion de 1980. Le ton est donné. Et dans cette ville moyenne et enclavée, fièrement de gauche, la tonalité ne peut qu'être politique. Un sondage récent révélait une insatisfaction de la majorité des habitants de Gwangju vis-à-vis de la présidente du pays, Park Geun-Hye. La grande parade d'Ed et Nancy Kienholz présentée à la biennale en fait part. Chaque fois que cette satire de l'autorité grandiloquente est réactivée dans une ville, elle s'appuie sur le dernier sondage en date portant sur cette question : êtes-vous satisfait de votre gouvernement ? À voir le non qu'arborent les militaires mis en scène ici, la réponse de Gwangju est cinglante. L'esprit contestataire est dans l'ADN de cette cité. Il transpire de l'exposition au titre plus mièvre que ne l'est l'accrochage, « Sweet Dew » (douce rosée), au Gwangju Art Museum. Jusqu'où peut-on aller trop loin quand on a le verbe haut ? L'artiste Hong Seong-dam en a vu les limites : sa grande toile qui brocardait la présidente n'a pas été accrochée par les curateurs. Lire la suite
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