Roxana Azimi_Paris Photo fête sa vingtième édition. Comment le marché de la photographie a-t-il évolué sur ce laps de temps et quel rôle Paris Photo a-t-il joué ?
Florence Bourgeois_Le médium jouit d’une reconnaissance à part entière. On le voit dans la conclusion du rapport de la base de données Artprice : l’indice des prix a progressé de 48 % en quinze ans alors que l’indice Fine Art n’a progressé que de 36 % sur la même période. Il y a eu une démultiplication des ventes aux enchères spécifiques, la création de départements de photographie dans toutes les grandes institutions. Tout cela se mesure aussi dans l’expansion de Paris Photo. En 1997, lors de la première édition, le salon réunissait 60 exposants. Nous sommes aujourd’hui à plus du double. Paris Photo est l’endroit de référence pour les experts et curateurs. C’est un lieu d’échanges, de découvertes, où ils savent qu’ils vont rencontrer leurs confrères.
Christoph Wiesner_La position des artistes vis-à-vis du médium a changé. Beaucoup utilisent la photo sans se qualifier pour autant de photographe. Le photographe Lewis Baltz disait que quand il avait commencé, il devait choisir un médium. On était peintre, sculpteur ou photographe. Mais dans les cours qu’il donnait à la fin de sa vie, ses étudiants ne s’interdisaient rien. Quand Picabia faisait de la photo, c’était pour lui un axe de recherche. De même que les photos de performances étaient considérées comme des traces, des archives.
Comment expliquez-vous que Paris Photo ait d’emblée acquis une place importante, alors que d’autres foires plus généralistes ont peiné à s’imposer ?
C. W._Il manquait à la photo une place de marché.
F. B._Toutes les grandes galeries que ce soit Hans P. Kraus Jr (New York), Hamiltons (Londres), Howard Greenberg Gallery (New York) ou Michael Hoppen Gallery (Londres) sont arrivées dès la deuxième ou troisième édition, et elles sont toujours là. La foire AIPAD existait à New York depuis longtemps, mais pas sur le même créneau. Paris Photo a très vite intégré des galeries qui ne sont pas exclusivement de photo.
Justement, 58 % de la foire est composée de galeries d’art contemporain. Comment les enseignes plus classiques de photo réagissent-elles à ce trope ?
C. W._Les galeries de photo n’ont jamais vu cela comme une concurrence. Les deux champs se fertilisent. C’est intéressant de donner des clés de lecture à un public qui n’est pas exclusivement photo.
Mais la grande quantité de photos grand format ne nuit-elle pas à la lecture des vintages de plus petite dimension ?
C. W._Cela fait partie de notre tâche d’expliquer au public pourquoi une petite photo peut être plus chère qu’une plus grande photo. Une foire est une source infinie de savoir. Quelqu’un comme Hans P. Kraus Jr, qui expose cette année la thématique du voyage en Égypte, donne une information technique, parle de l’historicité des œuvres qu’il montre. On organise des visites qui permettent d’avoir une lecture de certaines œuvres présentées.
F. B._Les visiteurs ont accès aux conversations, avec plus de 200 signatures et des échanges avec les artistes. L’attrait pour le médium amène à passer du temps. Le temps de visite, qui est de deux heures trente, est le double de celui de la FIAC. Il y a une variété dans la programmation qui est différente d’une foire classique.
C. W._Nous avons aménagé des respirations différentes. La section Prisme dédiée aux œuvres sérielles offre une autre présentation de la photo, que ce soit avec Anthony Hernandez, Gonzalo Lebrija, ou Bettina Rheims.
La foire a été écourtée l’an dernier à la suite des attentats du 13 novembre. Ce drame apparaît-il d’une façon ou d’une autre sur le salon ?
F. B._Nous avons voulu être dans une dynamique positive. Mais nous trouverons chez Continua (San Gimignano, Pékin,
Les Moulins, La Havane) des œuvres de Leila Alaoui,
qui a été victime d’un attentat à Ouagadougou.
Pourquoi assiste-t-on cette année un grand renouvellement des exposants, avec l’absence notamment de la galerie Zwirner (New York, Londres) ?
F. B._Nous n’avons pas Zwirner, mais Nordenhake (Berlin) ou mor charpentier (Paris) sont là. L’an dernier, nous avions 38 nouvelles galeries, cette année 45. Les galeries d’art contemporain viennent selon qu’elles aient le bon projet ou pas.
C. W._De grosses galeries d’art contemporain veulent déjà venir l’an prochain.
Les Américains étaient peu présents à la FIAC. Craignez-vous qu’ils ne viennent pas non plus à Paris Photo, qui repose beaucoup sur la clientèle étrangère ?
F. B._Nous avons plus de groupes d’amis de musées qui doivent venir, 82 contre 69 l’an dernier, dont une grosse partie est américaine. Je ne constate pas d’angoisse. Nous n’avons pas eu un plus faible nombre de candidatures et nous comptons 39 galeries américaines, qui sont là malgré la semaine de l’élection présidentielle aux États-Unis.
L’annulation de Paris Photo Los Angeles a-t-elle nui à l’image de la foire mère ?
F. B._Ce qui aurait altéré l’image, c’est si nous nous étions enferrés dans une manifestation qui perdait en qualité et en contenu. Il y avait un courage à se lancer sur ce marché et un courage à se retirer à temps pour ne pas endommager la marque.
C. W._Pour le moment, il ne se passe pas tant de choses que cela à Los Angeles. Cela me fait penser au phénomène berlinois. Il y a une scène intéressante, avec des vitrines pour la représenter, mais localement, c’est compliqué, même si tout le monde s’accorde à dire qu’il y a un potentiel.
PARIS PHOTO, du 10 au 13 novembre, Grand Palais, Avenue Winston Churchill, 75008 Paris, www.parisphoto.com