Face à la concurrence des galeries du Marais, Saint-Germain-des-Prés met les bouchées doubles. Trois événements animent traditionnellement le quartier. En septembre, le rendez-vous du « Parcours des mondes » est dédié aux arts premiers. En janvier, l’opération « Paris Déco off » mobilise les amateurs de design. En juin, la semaine « Art Saint-Germain-des-Prés » ouvre ses rues à l’art contemporain. Un quatrième rendez-vous s’est glissé depuis 2010 dans le calendrier, le festival « Photo Saint-Germain » qui se tient au mois de novembre. Deux jeunes commissaires, Virginie Huet et Aurélie Marcadier, en ont repris la direction artistique depuis 2015, avec un certain succès puisque cette année, le duo a rallié à sa cause les 5e et 7e arrondissements. Elles ont ainsi élargi le périmètre du festival, même si sur la quarantaine d’expositions que compte leur programme, seules six sont pour le moment proposées hors 6e arrondissement. Photo Saint-Germain s’étoffe donc, conquiert de nouveaux lieux comme l’Institut du monde arabe, l’Hôtel de l’industrie ou les Atelier de Sèvres, bénéficie de nouveaux soutiens tels que la mairie de Paris, la Fondation Carmignac [avec l’exposition du lauréat du Prix Carmignac du photojournalisme, Narciso Contreras, intitulée « Libye : Plaque tournante du trafic humain »] ou le cabinet d’avocats Martin Associés, et doit sans doute ce vent de bienveillance à la qualité montante de ses propositions. « Nous avons créé un comité de sélection qui veille à la rigueur des projets et dans la mesure où la plupart des galeries participantes ne sont pas dédiées à la photographie, nous faisons un travail d’accompagnement pour potentialiser les projets ou les redéfinir », expliquent les deux directrices artistiques.
Le programme allie photos anciennes et contemporaines, images documentaires et plasticiennes, valeurs sûres et découvertes, offrant ainsi un parcours à spectre large qui se poursuit même dans la rue puisque le photographe Nicolas Silberfaden a eu carte blanche pour coller des images aux murs du 6e arrondissement, avec la bénédiction de la mairie, ce qui donne la mesure de l’enthousiasme généré par ce festival. On se lance donc, plan en main, dans un parcours qui multiplie les bonnes surprises. Chez Catherine et André Hug, la dernière série solaire de Mona Kuhn, vibrante d’une sensualité quasi tactile, réchauffe la saison. Au musée Delacroix, des photos inédites d’Anders Petersen, plus charbonneuses et « freaky » que jamais, dialoguent avec les toiles de Delacroix, en chahutant tranquillement les cimaises. À la Galerie Eric Mouchet, on retrouve la série mythique Barakei d’Eikoh Hosoe, dont les fulgurances érotiques laissent toujours aussi pantois. À la Galerie 1492, les éblouissements sont plus sages et atmosphériques. Ils proviennent de tout petits tirages de Clara Chichin, jeune photographe trentenaire qui a des étoiles dans les yeux, ce qui lui permet de creuser la nuit et d’y faire poudroyer des flocons de lumière. À la Galerie de l’Académie des Beaux-Arts, Klavdij Sluban fait une plongée dans un Japon de poète samouraï : images tranchantes comme le sabre et noires comme l’encre. Enfin, à la Galerie Madé, on se pose et prend tout son temps pour entrer dans le monde doux et mélancolique d’Andrea Modica. Ses tirages platine-palladium, duveteux et aériens, évoquent ceux de Sally Mann. Ils convoquent la feuille d’automne et la soie des rêves d’enfance. L’œuvre de cette photographe américaine, méconnue en France, est présente dans tous les grands musées outre-Atlantique, du MoMA de New York au Metropolitan Museum of Art, en passant par le Whitney Museum of American Art. C’est la révélation de cette édition 2016.
PHOTO SAINT-GERMAIN, jusqu’au 20 novembre, Divers lieux, Paris, www.photosaintgermain.com