Filmer un chantier, c’est s’attarder sur des temps forts et des temps morts, c’est accompagner la furie des marteaux-piqueurs hydrauliques qui fourragent la pierre tout en prêtant l’oreille à la cantilène des eaux qui gouttent le long des parois. La caméra s’attarde sur les pierres éventrées, sur de fugaces étincelles, elle plonge dans la nuit et ressurgit à ciel ouvert, elle restitue jusqu’à la nausée la répétition des gestes et des bruits de machines, elle traverse en apnée et en hypnose un chantier qui est un monstre, un paquebot géant animé par des hommes qui paraissent minuscules et absurdement affairés sous leurs casques de Playmobil boys. C’est cette démesure que restitue la Japonaise Momoko Seto dans son film à dimension documentaire, ce combat acharné entre les hommes et la fabuleuse carcasse, ce travail de titans qui fait qu’un jour, les ouvriers-fourmis auront sans crier gare remodelé le colosse de pierre et de fer. l