Le jury du Prix Marcel-Duchamp, réuni le 18 octobre, a désigné son lauréat pour 2016, l’artiste Kader Attia. Étaient aussi en lice Yto Barrada, Ulla van Brandenburg, et Barthélémy Togo. « Kader Attia a une œuvre généreuse, humaniste, œcuménique, ce qui compte dans un moment où les gens ont des problèmes avec les religions », nous a confié Gilles Fuchs, président de l’Adiaf (Association pour la diffusion internationale de l’art français). Pour Bernard Blistène, directeur du musée national d’art moderne, il y a dans le travail de l’artiste un « rêve universel ». Iwona Blazwick, directrice de la Whitechapel Art Gallery, à Londres, ne dit pas autre chose en voyant dans son travail érudit la « prise en compte de tous les systèmes de pensée ». Qui dit œcuménique ne dit pas naïf. « Avec son exposition au Centre Pompidou autour du membre fantôme, Kader Attia n’a pas essayé d’aller vers une totalité. Vous avez perdu un membre, vous l’avez perdu, il faut tenir compte de la perte historique, accepter l’incomplétude », ajoute Manuel Borja-Villel, directeur du Museo Reina Sofía à Madrid.
Le jury, qui comptait aussi le collectionneur Laurent Dumas et la curatrice Akemi Shiraha, a visiblement été impressionné par la présentation de la rapporteuse de Kader Attia, la critique d’art Clémentine Deliss, qui a su mettre en lumière la double tension artistique et anthropologique dans cette œuvre à multiples fonds. « C’est un travail qu’on ne peut réduire à un seul sujet, même s’il a une obsession », résume Bernard Blistène.
L’artiste, qui a fait de la réparation le thème central de son travail depuis une quinzaine d’années, ouvrira le 21 octobre, près de la Gare du Nord, à Paris, La Colonie (le mot est barré). Il s’agit d’un lieu à la fois de débat et d’exposition, qui veut en sortir avec les clichés et rancœurs de la colonisation, dépasser les notions de victime et bourreau, convoquer créateurs et penseurs pour repenser nos sociétés. « Les artistes ont un rôle fondamental à jouer aujourd’hui, confie Kader Attia. Ils doivent prendre une place d’éducation et de transmission qui a été abandonnée par le pouvoir ». L’exposition des nominés du Prix Marcel-Duchamp est visible au Centre Pompidou jusqu’au 30 janvier 2017.
PRIX MARCEL-DUCHAMP 2016, jusqu’au 30 janvier 2017, galerie 4, Niveau 1, Centre Pompidou, 75004 Paris, tél. 01 44 78 12 33, www.centrepompidou.fr