Roxana Azimi_La FIAC ouvre cette année une section On Site au Petit Palais (lire page 8). Est-ce l’équivalent d’Art Unlimited à la Foire de Bâle ?
Jennifer Flay_Si on veut absolument faire un parallèle, on penserait à cela, mais ce sont des secteurs qui n’ont rien à voir. On Site n’est pas forcément dédié aux œuvres de grande taille, mais aussi à de petits formats et de taille humaine. Ce que nous cherchons, c’est la présentation muséale, une mise en espace qui soit celle d’une exposition. Nous utilisons la galerie sud, dans le jardin et la rotonde, pour dialoguer avec les collections permanentes. C’est l’occasion de sortir les œuvres exposées par les galeries de la FIAC hors de la foire, de les insérer dans un cadre qui les anoblit et les rend à part. Cela donne une autre respiration, une quiétude. Nous avons reçu plus de 70 candidatures et nous avons retenu une trentaine d’œuvres. Cela a été presque aussi difficile que de choisir les galeries pour la FIAC.
Vous disposez aussi de nouveaux espaces au sein de la FIAC. Cela vous a-t-il permis d’accepter davantage de galeries ?
Nous avons le salon Jean Perrin, qui fait 300 m2 et qui est doté de deux fenêtres sur les Champs-Élysées. Nous y présentons un groupe de galeries qui mettent à l’affiche des figures importantes en marge de l’histoire officielle, comme William Burroughs, présenté par Semiose (Paris). Mais nous n’avons pas donné de nom à ce secteur. Les galeries y exposent de la même manière que ceux du Salon d’honneur ou des galeries modernes. Il y aura aussi des performances oniriques, avec des récits mi-réels mi-fictionnels pour découvrir les étrangetés du Palais de la Découverte. Qui sait si à l’avenir nous ne continuerons pas à travailler avec cette institution. Il y a en tout cas une demande de Bruno Maquart, président d’Universcience. Tout le monde sait que nous n’avons pas assez d’espace et que la solution ne viendra qu’en 2023, lorsque le Grand Palais dégagera quatre à six nouvelles galeries d’exposition.
Quelle solution avez-vous trouvée pendant les deux années de fermeture du Grand Palais ?
Cela fait longtemps que nous nous y préparons. Il nous faut une solution près du Grand Palais, qui nous permette de tenir deux ans, mais pas plus. Un an, cela aurait été bien, deux, c’est encore jouable. Plus, cela aurait été compliqué. Mon fantasme serait une structure temporaire sur l’avenue Winston Churchill. Mais la contrainte, c’est qu’il s’agit aussi d’une voie de dégagement de l’Élysée. Nous avons aussi pensé aux Invalides. J’ai envie de vivre cette période de transition comme quelque chose d’heureux, comme lorsqu’on loue un appartement à côté de la maison que l’on construit. Sylvie Hubac [présidente de la RMN-Grand Palais] est favorable à un grand geste. Le Grand Palais est notre vitrine, on ne peut pas le remplacer par des baraquements. Je veux qu’ils aient envie de construire l’avenir et qu’ils ne se disent pas : on passe notre tour deux ans et on revient. C’est une opportunité fabuleuse pour la FIAC de se réinventer. Nous ne serions pas obligés de reconstruire la FIAC à partir de zéro en 2023 parce que nos exposants nous auraient quittés.
L’an dernier, certaines galeries françaises ont grogné contre leur absence du salon, et pour celles qui y participaient, elles pestaient contre leur emplacement dans la foire. Avez-vous pris compte de cette bronca ?
La FIAC a créé une situation d’envie et c’est normal qu’il y ait une grogne. Douze galeries qui n’étaient pas là en 2015 sont présentes cette année comme Martine Aboucaya, Bugada & Cargnel, Christophe Gaillard, Bernard Ceysson, Laurent Godin, Éric Hussenot, Praz-Delavallade, Torri ou Triple V. Nous sommes à 28 % de participation française contre 24 % l’an dernier. Frieze Art Fair comptait aussi 24 % de galeries britanniques cette année. Le choix du comité de sélection est de toute façon tout le temps critiqué. Il y aura toujours une galerie française qui ne sera pas là. C’est vrai, il est regrettable que Gabrielle Maubrie ne soit pas cette année à la FIAC. Il y a selon moi une place à Paris pour une très bonne foire nationale, car il y a une excellente scène artistique, des artistes qui ont une audience beaucoup plus importante dans le monde que voilà quinze ans. Ma mission à moi est de créer une foire internationale. Je serais honorée qu’on me mandate pour faire une foire nationale, mais il faudrait s’assurer d’avoir le bon lieu, le bon créneau. L’enjeu ne me semble pas moins noble que de rendre la FIAC puissante et internationale. Cela fait longtemps que j’en parle avec qui de droit, notamment Georges-Philippe Vallois, le président du Comité professionnel des galeries d’art. Collectivement, nous devons tous nous mettre derrière un projet, qui pourrait être celui de Georges-Philippe Vallois ou peut-être de Stéphane Corréard. Paris peut porter deux foires.
Pourquoi avez-vous annulé la foire Officielle après deux éditions ?
Certaines galeries n’étaient pas contentes. Le lieu était considéré comme trop excentré, avec une esthétique peu chaleureuse. Nous avons essayé de rendre le déplacement agréable, sympathique, mais cela n’a pas marché. Nous devions pratiquer des tarifs de location importants et c’était trop cher pour les galeries que nous ciblions, et qui auraient pu faire d’Officielle une destination. Quand on a conscience qu’on est à côté de nos attentes, il faut arrêter, réfléchir, plutôt que de persister. L’an dernier, la foire Paris Internationale a été une contreproposition à Officielle. C’est peut-être cela la réponse, je n’ai aucun problème à l’admettre.
La cascade d’annulations de foires, cela ne fait-il pas tache en termes d’image ?
Je n’étais pas dans le projet de Los Angeles. Il n’aurait jamais fallu faire de FIAC LA. Pour ce qui est d’Officielle, nous avons écrit aux exposants en début d’année en disant que nous mettions la foire en sommeil. C’était notre unique communication écrite.
Avez-vous senti une inquiétude de la part des exposants étrangers pour venir en France après les attentats de novembre 2015 et juillet 2016 ?
Nous sommes bien sûr dans une nouvelle réalité. Nous avons vécu un Euro sans incident, des attentats sont régulièrement déjoués. Les gens voient bien que l’on peut venir à Paris avec un taux de sérénité acceptable. Bien sûr, certains préféreront rester chez eux, mais pour le moment, il y a une excitation qui n’est pas en baisse. Je ne dis pas que rien n’a changé, mais nous avons réussi à garder nos troupes dans des conditions compliquées. Il n’y a pas eu de désistement du côté des galeries. The show must go on.
FIAC, du 20 au 23 octobre, Avenue Winston Churchill, 75008 Paris, http://www.fiac.com/