La galerie Jaeger-Bucher organise à partir du 19 novembre l'exposition « Matière et mémoire : la demeure du patriarche » célébrant les 90 ans de Jean-François Jaeger et son parcours à la tête de la galerie Jeanne Bucher. Dialogue entre Jean-François Jaeger et sa fille, Véronique.
R. A. Vous avez pris la suite de Jeanne Bucher en 1947, à l'âge de 23 ans. Etait-ce intimidant ?
J.-F. J. Je suis tombé dedans comme un cheveu sur la soupe. Je n'avais aucune formation. J'ai tout appris et je continue encore à apprendre. Je savais que Jeanne Bucher était une maîtresse femme. J'ai refusé de la voir quand je suis arrivé à Paris. Je n'étais pas assez formé pour me confronter à elle. Dans la famille, elle avait la réputation d'avoir du caractère. J'étais « culturel » mais pas spécialisé en art contemporain. Quand André Frédéric Cournand, gendre de Jeanne Bucher, m'a proposé de reprendre la galerie, je lui ai dit que cela me passionnerait. Je ne savais rien du boulot.
R. A. Comment avez-vous pratiqué votre métier au début ?
J.-F. J. J'étais d'abord au premier étage dans un bâtiment du boulevard Montparnasse, et l'ensemble des salles devait faire 50 m2 tout compris. Les gens qui venaient restaient plus longtemps que ceux d'aujourd'hui qui mettent juste le nez sur la vitrine et s'en vont.
R. A. Quel était le marché en 1947 ?
J.-F. J. Il n'y avait pas de marché. On s'occupait d'art, pas de marché ni de marchandise. On était dans le respect des artistes et de la création. La tradition de la galerie n'était pas de faire du commerce, c'était rigoureux, spécialisé. Jeanne Bucher n'était pas une femme…