Il n'est pas évident pour un musée d'être la dernière étape d'une exposition itinérante ayant débuté un an et demi plus tôt. De fait, « Roy Lichtenstein », au Centre Pompidou, n'aligne qu'un tiers d'oeuvres communes avec la halte organisée quelques mois plus tôt à la Tate Modern à Londres (lire Le Quotidien de l'Art du 20 février 2013). « Le problème, ce n'est pas tant d'être la quatrième étape que la proximité géographique entre Paris et Londres. C'est difficile de garder les chefs-d'oeuvre », confie Camille Morineau, commissaire de cet accrochage chrono-thématique, ramassé, là où la Tate disposait de deux fois plus d'espace. De fait, le visiteur parisien ne verra pas l'ensemble des séries héroïques ou sentimentales auxquelles la Tate avait dédiée une salle entière, ni les toutes premières peintures de l'artiste. La concision a parfois du bon, puisque l'accrochage ne s'attarde que brièvement sur ses paysages inspirés de la peinture chinoise ou sur ses grands nus des années 1990, péniblement reviviscents des nus kitsch de Picabia. Plutôt que de débuter avec le fameux brushstroke (coup de brosse), qui, dès le départ à Londres, tournait en dérision l'action painting, l'exposition parisienne livre d'emblée toutes les entrées possibles dans le travail. Elle met en exergue son logotype - l'agrandissement de bandes dessinées - mais aussi son goût pour la gravure, voire les produits dérivés. Faute d'avoir suffisamment de tableaux sous la main, le reste du parcours privilégie surtout la sculpture, qui n'est pas le médium dans lequel l'artiste pop excelle le plus. « Lichtenstein travaillait les mêmes motifs dans trois médiums, et les trois se nourrissent, défend Camille Morineau. Ils vont tous dans le même sens de l'unification de la toile pour arriver à une forme efficace, très frappante ». Moins convenu que le parcours londonien, sans originalité aucune, le volet parisien tente des effets scénographiques avec des murs d'un bleu violent. Surtout, il essaye de relever la complexité d'un artiste successivement pop, postmoderne et classique. Pop certes, mais différent de ses coreligionnaires car Lichtenstein peint méticuleusement à la main tout en tentant d'en cacher la trace, là où ses comparses optent pour la reproduction mécanique. C'est surtout le classicisme qu'on retiendra dans sa révérence aux maîtres modernes comme Picasso, Léger et surtout Matisse dont il s'approprie les motifs, questionnant les notions d'originalité et sa propre place dans l'histoire de l'art. Pour Camille Morineau, ses oeuvres revêtent une « double peau ». « Si l'image-sujet nous aveugle d'abord par sa force et son apparente simplicité, elle permet aussi, lorsqu'on la regarde d'une autre manière, lorsqu'on s'interroge sur ses modes de création, de nous faire voir autre chose qu'elle », écrit-elle dans un catalogue autrement plus dense que l'exposition elle-même. L'artiste nous apparaît toutefois limité dans ses images froides dont on peine à sonder le double fond. Il semble plus affûter un style reconnaissable entre tous que forer par delà la surface.
Roy Lichtenstein, jusqu'au 4 novembre, Centre Pompidou, 75004 Paris, tél. 01 44 78 12 33, www.centrepompidou.fr