Après l'inauguration de l'exposition « Méditerranée » en janvier au J1 du port de Marseille [lire Le Quotidien de l'Art du 14 janvier 2013], l'ouverture il y a une semaine du Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM), « Marseille Provence 2013 » poursuit l'exploration de son thème de prédilection, « la Méditerranée » avec le vernissage de la manifestation phare de l'été : le « Grand atelier du Midi ». Alignant les maîtres de la peinture moderne, de Cézanne à Matisse, en passant par Dalí, Picasso, Monet ou Bonnard, l'exposition manque pourtant cruellement de discours construit. Mettant les paysages du Midi à l'honneur, l'accrochage est censé affirmer le rôle joué par la lumière du Sud dans l'émergence et le développement de la peinture moderne. S'il est incontestable qu'Henri Matisse n'aurait jamais eu la révélation de la couleur pure et flamboyante au Cateau-Cambrésis, l'influence des collines provençales sur la naissance du cubisme et de la déconstruction de la vision « moderne » de Cézanne est bien moins convaincante. Il est indéniable que les modernes ont visité, ont aimé, ont peint le Sud, ce dont fait écho la manifestation, mais cette dernière ne montre cependant rien de nouveau.
Répartie sur deux sites, l'exposition cherche à explorer au musée Granet, à Aix-en-Provence, « la lumière qui cisèle l'objet, qui aide à penser la forme », selon le commissaire, Bruno Ely, tandis que la couleur occupe le premier plan au palais Longchamp à Marseille - qui rouvre pour l'occasion après une vaste restauration de son bâtiment. Séparer la forme et le fond s'avère souvent artificiel, et la présente exposition n'échappe pas à la règle. Comment aborder la révolution pointilliste, évoquée à Marseille par de beaux exemples signés Paul Signac, ou l'art d'Henri-Edmond Cross, en séparant pureté de la couleur méridionale et division de la touche ? Par ailleurs, dans un Midi élargi à la Catalogne et au Maghreb, l'accrochage aixois étire la chronologie jusqu'aux années 1950 pour aborder l'évolution des formes picturales, de la touche énergique des impressionnistes aux compositions des premiers abstraits. L'accrochage est du coup très éclectique, les cimaises faisant se succéder les corps académiques d'Auguste Renoir, les baigneurs ciselés de Paul Cézanne, les premiers essais cubistes colorés de Georges Braque, les aplats matissiens (avec le très beau Marocain debout en vert du musée de l'Ermitage de Saint-Pétersbourg), la déconstruction à la Picasso (avec une toile inédite plus décorative qu'avant-gardiste, Village méditerranéen, 1937), mais aussi les excentricités méridionales de Dalí ou Joan Miró, les vues sombres de Marseille de Max Beckmann et les abstractions de Geer Van Velde ou André Masson.
Au final, ces deux présentations similaires par de nombreux aspects se démarquent davantage par la qualité de certaines toiles présentées (que ce soit la belle lumière de Claude Monet dans Sous les pins du Philadelphia Museum of Art, ou l'étonnant Nu debout aux cernes prononcés d'Henri Matisse prêté par la Tate Modern de Londres). La présentation reflète aussi l'ambiance amicale qui régnait alors entre les protagonistes de la peinture au tournant du XXe siècle. Les parallèles ménagés entre Renoir et Cézanne, entre Matisse, Manguin, Camoin et Marquet recréent l'univers d'émulation qui a fait, un temps, de Saint-Tropez ou de Collioure des capitales de l'art moderne.
Le grand atelier du midi, jusqu'au 13 octobre.
De Cézanne à Matisse, musée Granet, place Saint-Jean de Malte, 13100 Aix-en-Provence, tél. 04 42 52 88 32,
www.museegranet-aixenprovence.fr
Commissaire : Bruno Ely, directeur du musée Granet.
De Van Gogh à Bonnard, Palais Longchamp, 13004 Marseille, tél. 04 91 14 59 18, www.mp2013.fr/grand-atelier-du-midi Commissaire : Marie-Paule Vial, directrice du musée de l'Orangerie à Paris.
Catalogue, Ed. RMN-GP, 304 p. 39 euros