Le Quotidien de l'Art

Artistes handicapés en résistance : les stratégies de l'art « crip »

Artistes handicapés en résistance : les stratégies de l'art « crip »
Lou Chavepayre, Lignes d’erre #2, 2020.
Courtesy de l’artiste.

Si les Jeux paralympiques de 2024 ont connu un succès inédit, vingt ans après la loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances, les discriminations restent criantes pour les personnes handicapées. Parmi elles, des artistes explorent les potentialités créatives des pratiques d'accessibilité.

15 novembre 2024, au FRAC Île-de-France, journée professionnelle du réseau TRAM consacrée au handicap et à l’accessibilité. « Qui porte des lunettes dans la salle ? Pourriez-vous vivre en autonomie sans elles ? », lance l’artiste Mathilde François, invitée à réaliser une conférence gesticulée. Si la question semble au premier abord anodine, elle se révèle davantage perturbante pour tous les myopes présents, qui appréhendent leur « banale » déficience visuelle sous un nouveau jour. En effet, sans outil de correction remboursé par la Sécurité sociale, tout individu malvoyant rejoindrait probablement la catégorie des personnes considérées comme handicapées. « Les normes différenciant les corps dits “valides” et “non valides” sont des constructions sociales et culturelles. Et le problème est que les manières d’être vivant qui s’éloignent du standard de la validité sont largement discriminées socialement », explique Mathilde François, également militante du collectif handi-féministe Les Dévalideuses

En s’appuyant sur les dessins de son blog BD La Vie à Croquer, l'artiste introduisait ainsi avec humour le concept pivot de cette journée : le validisme. Forgé dans la sphère universitaire anglo-saxonne des disability studies, le terme a été introduit en France en 2004 grâce au texte « La Culture du valide (occidental) » du chercheur Zig Blanquer. Mais ce n’est qu’en 2022 qu’il secoue véritablement la scène intellectuelle nationale, avec la publication par la psychologue et philosophe Charlotte Puiseux de l'ouvrage De chair et de fer. Vivre et lutter dans une société validiste (La Découverte), devenu une référence majeure de la lutte anti-validiste. Depuis, nombre d’artistes et professionnels de la culture en France s’en sont saisis pour structurer leurs pratiques en les nourrissant des recherches menées outre-Atlantique sur l’art crip – réappropriation du terme anglais stigmatisant de cripple (estropié, infirme). Celui-ci englobe « les artistes qui envisagent l’accès comme une partie intégrante, créative et expérimentale de leurs œuvres », explique la curatrice américaine Amanda Cachia dans son livre Curating Access: Disability Art Activism and Creative Accommodation (2022). Il affirme par ailleurs la volonté de dépasser l'opposition entre sain et pathologique, et réfute l'injonction médicale à redresser ou guérir les corps.

Au commencement était le regard

Preuve que ces réflexions circulent sur le territoire : la…

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Article issu de l'édition N°2988