Galerie Anne Barrault
Faire tomber le masque
Lorsque Lalitha Lajmi (1932-2023) débute à 30 ans une psychanalyse, elle vient tout juste d’exposer pour la première fois ses œuvres à la Jehangir Art Gallery de Mumbai. L’expérience de la thérapie est pour elle une révélation. Dans l’Inde des années 1970, la jeune femme, issue de la bourgeoisie hindoue, peint et grave en autodidacte. Elle suit des cours du soir à la JJ School of Art et installe une presse dans sa cuisine. Tout comme Frida Kahlo, qu’elle admire, l’auto-réflexivité impulse ses œuvres. Le rôle des femmes dans une société indienne en transformation y tient une place prépondérante. Dans ses aquarelles, elle se représente souvent en acrobate, jonglant entre son rôle de femme et de mère : en équilibre sur un monocycle, elle s’entoure de clowns, d’hommes en costumes, de femmes ailées en saris et d’enfants, les siens. La peinture est pour elle une expérience cathartique, un exutoire à ses peurs et obsessions. Elle est aussi une manière de faire face à la disparition : l’artiste a perdu jeune son frère, le réalisateur Guru Dutt (1925-1964), ardent défenseur d’un cinéma Bollywoodien réaliste. Aussi luxuriants qu’inquiétants, les mondes intérieurs de Lalitha Lajmi estompent les frontières entre l’espace domestique et une nature onirique : elle imagine un repos sacré dans des montagnes embrumées, se représente entourée de perruches et de chats sveltes, mais apparaît aussi dans des salles à manger où la vaisselle est remplacée par des masques aux sourires menaçants. Deux ans après la rétrospective qui lui a été consacrée à la National Gallery of Modern Art de Mumbai, la galerie Anne Barrault a fait appel à la curatrice Skye Arundhati Thomas pour organiser la première exposition de l’artiste en France.…