Il y a trois ans (voir QDA du 25 janvier 2022), elle avait été la première femme à être nommée à la direction de l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, succédant à Jean de Loisy. Un second mandat de trois ans semblait se profiler naturellement (à compter de début mars), mais la ministre de la Culture en a décidé autrement. C'est Alexia Fabre elle-même qui l'a annoncé aux étudiants et au personnel des Beaux-Arts hier matin. L'avis de vacance, publié dès ce 4 février sur le site du ministère pour lui trouver un successeur (date limite de candidature fixée au 5 mars), comporte dans sa prose habituellement administrative un étrange hommage qui sonne comme un dédouanement : tout en la renvoyant, Rachida Dati dresse un éloge de la politique d'Alexia Fabre en faveur de la diversification des profils (au moyen de la « Via Ferrata » initiée par ses prédécesseurs) mais aussi de son action pour trouver un débouché professionnel aux étudiants, avec la « Via Futura » lancée en 2023. Dans un communiqué, les membres de la CGT-Culture se disent « atterrés et consternés » par cette décision, attribuant à Alexia Fabre le retour au dialogue social avec les étudiants et un engagement dans le nécessaire chantier de rénovation du site. Le mandat de celle qui a été commissaire de la dernière Biennale de Lyon a également été marqué par un renouvellement des chefs d'atelier, avec l'arrivée de Romain Bernini, Mireille Blanc & Eva Nielsen, Michel Blazy, Isabelle Cornaro, Valérie Jouve et Bruno Perramant. Si des voix se sont élevées en mars 2024 à propos de l'affaire du livre Les suffragettes de l'art d'Anaïd Demir (expurgé d'une partie de son contenu, notamment un passage sur les années #MeToo), et si les tensions avec l'enseignant Olivier Blanckart (mis à pied début janvier pour « comportement régulièrement provocateur et irrespectueux ») ont pu jouer un rôle, il y a fort à parier que les vraies raisons sont à chercher ailleurs, notamment dans le rapprochement souhaité en haut lieu entre les Beaux-Arts de Paris et l'École nationale supérieure d'architecture Paris-Malaquais pour créer un campus unifié, qui a soulevé une vive opposition en interne, mais qui est sur la feuille de route du nouveau conseil d'administration, présidé par Laurent Dumas depuis juillet 2024. Des rumeurs indiquent que plusieurs personnalités auraient les faveurs de la ministre, notamment Emmanuel Tibloux, directeur de l'ENSAD depuis 2018 et pionnier dans la réflexion sur l'intégration des mondes ruraux dans la politique culturelle, et Éric de Chassey, directeur de l'INHA depuis 2016, où il a largement développé le festival de l'histoire de l'art de Fontainebleau.
Alexia Fabre débarquée des Beaux-Arts de Paris
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© Photo Gueorgui Pinkhassov.