En décembre 2018, Benoît Couty, passionné d’art numérique, fait l’acquisition de son premier NFT : un terrain virtuel au sein d’un métavers (monde virtuel immersif). Il décide d’y construire un bâtiment pour y exposer les œuvres issues de la collection privée qu’il constitue avec son épouse. Baptisé MoCA, pour Museum of Crypto Art, c'est l'un des tout premiers musées d’art numérique à voir le jour dans l’écosystème Web3. Il devient rapidement incontournable pour les amateurs de crypto art. « Le MoCA a été très populaire jusqu’en 2022. Puis l’engouement pour le métavers s’est effondré et avec lui la fréquentation du musée, qui est passée de 100 visiteurs quotidiens à seulement un ou deux aujourd’hui. Mais le MoCA reste le témoignage d’une époque et de certains courants de l’art numérique », explique son fondateur.
Depuis, d’autres musées ont éclos dans le métavers, ainsi que nombre de galeries virtuelles éphémères, dont l’écrasante majorité semble avoir disparu. Les NFT – ces actifs numériques uniques basés sur la blockchain, technologie de stockage d'informations, qui certifient la propriété et l'authenticité d'un objet virtuel (image, musique, vidéo…) – seraient-ils finalement passés de mode ? Il semble encore être trop tôt pour le dire. Mais force est de constater que nombre d’artistes s'en détournent pour explorer aujourd’hui de nouvelles pratiques et d’autres médiums.
IA et art on chain
« Les artistes s’emparent aujourd’hui de l’intelligence artificielle (IA) avec beaucoup d’humour, que ce soit pour s’en inspirer pour leur pratique ou venir explorer les erreurs de l’outil et titiller le média (notamment dans une démarche décoloniale, ndlr) », explique Albertine Meunier, artiste numérique. Ainsi, dans sa série « Dads & Mums », l'artiste Julien Levesque part d’une photographie de ses parents dont la tête est hors cadre et utilise l’IA pour reconstituer 100 versions de cette photographie avec autant de têtes aléatoires.
Mais la tendance qui a le vent en poupe actuellement est l’art dit on chain, qui consiste à venir inscrire du code directement sur une blockchain — telle que Tezos, Solana ou encore Shape – afin de générer des images à la volée. Les œuvres d’art numérique ne correspondent ainsi plus à des fichiers (comme dans la technologie NFT), mais bien à du code inscrit à même la blockchain. Une évolution qui vient notamment résoudre la question épineuse de la conservation des œuvres. En effet, jusqu’ici avec les NFT, un artiste pouvait vendre un fichier numérique correspondant à une image, mais cette image n’était pas inscrite dans la blockchain. Si le serveur disparaissait, le lien renvoyant vers l'œuvre était lui aussi amené à disparaître. Certes, des solutions de stockage externes à la blockchain – telles qu’IFPS ou Arweave – ont vu le jour et permis de pallier cette problématique. Mais l’art on chain fait passer l’expression artistique à un cran supérieur.
C’est le cas avec le projet Cypherdudes de l’artiste français FélixFélixFélix, qui consiste en une série de 2 048 œuvres d’art génératif codées directement sur la blockchain Ethereum. Les 2 048 personnages sont générés en temps réel et tous parfaitement uniques, grâce à un algorithme garantissant qu’on ne puisse pas générer deux fois la même œuvre. Ainsi, le fond de l’image, la palette, la composition ou encore la position du personnage seront toujours différents. Un projet de longue haleine qui aura nécessité deux ans de travail. L’originalité du concept résidant notamment dans le fait qu’il est possible, via un système de cryptographie, de stocker des données cryptées directement dans les œuvres, que seule la personne les ayant encodées pourra par la suite décoder. Sorte de pied de nez à l’univers public et accessible de la blockchain.
Certification et rémunération continue
Au-delà de la pratique artistique, de nouvelles technologies adossées à la blockchain voient également le jour et semblent très prometteuses. C’est le cas notamment de la start-up française Kalichain qui a conçu Kalicertif, une puce NFC (dispositif sans fil permettant des échanges à courte distance, ndlr) sécurisée et cryptée, permettant d’authentifier et de certifier les œuvres d’art. En clair, chaque œuvre d’art physique à laquelle son propriétaire accole une puce NFC se retrouve liée à un certificat numérique stocké dans la blockchain. Lorsqu’un utilisateur scanne la puce, il peut accéder aux informations d’authenticité de l'œuvre. Un outil révolutionnaire qui permet à la fois d’assurer la traçabilité de l'œuvre et de lutter contre toute forme de contrefaçon. Mais aussi d’envisager que l’artiste puisse être rémunéré à chaque revente de son œuvre, puisque le passage des mains d’un propriétaire à un autre est inscrit lui aussi dans la blockchain. L’artiste pourrait ainsi être en mesure de réclamer des royalties sur chaque transaction. Un outil qui intéresse déjà de très près l’ADAGP, afin de l'aider à collecter et rémunérer les droits des artistes…