Lieux culturels et hybrides, vers de nouveaux modèles économiques ?

Regrouper, sur un territoire, des artistes et lieux de spectacle pour nourrir leur développement : telle pourrait être la définition du quartier culturel. Dans la foulée du modèle historique du Quartier des spectacles de Montréal avec ses 80 lieux de diffusion, la France n’est pas en reste, et les « quartiers culturels créatifs », qui cumulent accompagnement, développement, implantation de lieux et commerces culturels indépendants, et accueil d’un large public font l’objet d’un plan massif de soutien du ministère de la culture, de Besançon à Pointe-à-Pitre, en passant par Chirols ou Brest. À Morlaix, où la culture représente 1 300 emplois, il prend la forme du SEW, mixant librairie, cinéma, centre de théâtre et bar, restaurant, et salles de répétition. Le lieu de 5 000 m², pouvant accueillir de 20 à 400 personnes, a déjà été le théâtre d’un gala de boxe ou encore d’un championnat de fléchettes : la privatisation fait partie intégrante de son modèle économique.

Des rencontres fortuites

Un afflux de nouveaux habitants redessine les usages et enjeux de ces quartiers. Ainsi, 5 000 voisins vont pouvoir s’approprier le « terrain d’arts » du projet Mixt, qui sera inauguré fin 2025 à Nantes. Pour entretenir cette utopie, celle d'un « lieu hybride avant tout, dont la création artistique restera le socle » selon Catherine Blondeau, sa directrice, il faut que plusieurs activités se côtoient et « créer des rencontres fortuites ». L’hybridation s'inscrit dans le modèle économique : le format de gouvernance de cette institution publique, qui mobilisera 88 salariés, « s’éloigne des tiers-lieux et de leur précarité économique », avec une participation forte du Département de Loire-Atlantique, soutenu par l’État, la Ville et la Région. Le budget prévisionnel – de l’ordre de 9 millions d'euros à l'horizon 2027 – devrait pouvoir s’appuyer sur 2 millions d'euros de recettes propres, dont les activités commerciales (formations, privatisations, mécénat, restaurant) pourraient représenter jusqu’à 25 %.

120 000 m² de quartier culturel

À Romainville, le projet FAST (Fiminco Art Studios), plus grand quartier culturel d’Europe dont 50 000 m² sont dédiés à la culture, traduit, selon sa directrice Katharina Scriba, « la vitesse de transformation de cette ancienne usine pharmaceutique, désormais lieu d’accueil pour les arts et le spectacle vivant ». Futur lieu de vie pour 10 000 nouveaux habitants dans les trois ans à venir, le lieu accueille des résidences d’artistes internationaux, des galeries d’art et des artistes qui y installent leur studio de création, avec des « noms locomotive » (Blanca Li, Ivan Argote…) et bientôt une salle de spectacle de 600 places. Un budget de 76 millions d'euros est investi par la fondation Fiminco. Le modèle économique est partenarial : la fondation finance en mécénat certaines activités pour une enveloppe de 2 millions par an. Les loyers des occupants et les privatisations complètent les ressources.