C’est un peintre de la violence du monde. Lui qui avait commencé par travailler à 13 ans dans un atelier de broderie pour aider sa famille à joindre les deux bouts disait que son « moi » avait été « saccagé par la Première Guerre mondiale ». Frappé par un éclat d’obus en 1917 au Chemin des Dames alors qu’il installait des fils télégraphiques, André Masson (1896-1987) ne dut la vie sauve qu’à un compagnon qui le mit en sécurité, sur le cadavre d’un soldat allemand… Mais il y aura aussi les souvenirs de jeunesse d’un oncle martyrisant les animaux, un médecin voulant le renvoyer au front malgré sa blessure (il en deviendra fou, finissant à l’asile psychiatrique) ou encore la guerre d’Espagne. D’où cette peinture pleine de mantes religieuses, de squelettes, de gouttes de sang, de taureaux, de tentations psychanalytiques (sa deuxième femme était la sœur de Sylvia, mariée à Bataille puis à Lacan). Mais aussi d’expérimentations menées au pas de charge, comme autant d’assauts : l’automatisme, le surréalisme, les dessins érotiques, le jeu des matières (les tableaux de sable). La scénographie, pleine d’angles et de rétrécissements, reflète cette vie qui n’a rien de linéaire. La reconstitution de sa bibliothèque, donnée à la ville de Montreuil, montre un lecteur vorace aux appétits cosmopolites et pluridisciplinaires, de l’Évangile selon saint Thomas aux essais politiques de Maurice Duverger, en passant par Gaëtan Picon et John Berger…
« André Masson. Il n’y a pas de monde achevé », Centre Pompidou Metz, 57020 Metz, jusqu’au 2 septembre 2024.
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