Ce sont des mots que l’on n’aurait jamais voulu écrire, une nouvelle qui nous laisse, comme de nombreuses personnes du monde de l’art qui n’ont pas souhaité s’exprimer, sous le choc. Le 29 novembre, Vincent Honoré, directeur des expositions au Mo.Co de Montpellier, a été retrouvé mort chez lui, à l’âge de 48 ans. Tandis qu’une enquête de police a été ouverte, les causes du décès pointent, selon plusieurs proches, vers un suicide. Il était très aimé. Débutant sa carrière comme curateur au Palais de Tokyo de 2001 à 2004, Vincent Honoré s’installe ensuite à Londres pour travailler à la Tate Modern, puis à la David Roberts Art Foundation et enfin à la Hayward Gallery. Il y fonde les éditions Drawing Room Confessions, série de conversations avec des artistes, et montre le travail de Carol Bove, Pierre Huyghe, Dominique Gonzalez-Foerster, Jeff Wall, Louise Bourgeois, Hans Haacke, Catherine Sullivan, Oscar Tuazon, Keren Cytter, Neil Beloufa ou encore Rosemarie Trockel. Directeur artistique de la 13e Baltic Triennial en 2017-2018 et du pavillon du Kosovo à Venise en 2019, il avait été nommé au Mo.Co par Nicolas Bourriaud en 2019. Parmi ses récentes expositions marquantes, faisant souvent la part belle à la performance, aux femmes et aux perspectives queer, citons « Drag: Self-portraits and Body Politics » en 2018 à la Hayward Gallery, et au Mo.Co « Possédé]]>e]]>s. Déviance, performance, résistance », en 2020-2021, les solo shows d’Ana Mendieta, au printemps dernier, et de Huma Bhabha, inauguré seulement la semaine dernière. Loin des prétentions, ce brillant CV s’incarnait dans une personnalité d’une grande générosité, drôle (ses stories sur Instagram en ont aidé beaucoup à passer le cap du confinement), sensible et avant tout ouverte aux autres. Proche des artistes, dont il aimait à porter les créations à même la peau, curieux des plus jeunes comme des figures oubliées, Vincent, qui disait depuis plusieurs mois souffrir de ses conditions de travail au Mo.Co, prenait la peine de discuter en profondeur avec chacun, et avec leurs proches – comme avec Raquel Cecilia Mendieta, qui lui avait fait toute confiance pour lui révéler les archives de sa tante. Pour Lili, sa fille adolescente, cet intarissable passionné composait des petites vidéos, faites de bric et de broc, présentant des artistes femmes « dont on ne lui parlera pas à l’école », comme Joyce Pensato ou Seyni Awa Camara. Vincent n’avait pas peur non plus d’aborder des sujets politiques, douloureux et complexes, comme pour l’exposition « Musées en exil », en 2022, où il évoquait notamment, sans en faire une gloriole, le futur Musée national d'art moderne et contemporain de la Palestine, donnant une voix à ceux qu’on veut taire. La sienne va terriblement manquer.