La toile semble déchirée, laissant apparaître les lattes d'un châssis et dans le lointain, un paysage. Exposée actuellement au Mo.Co. de Montpellier, Décaradian (2019) d'Eva Nielsen n'est ni figurative, ni abstraite. Ou peut-être les deux à la fois, qu'importe ? « La peinture donne à voir l'image d'une échappée », témoigne l'artiste française de 40 ans. Et cette explication suffit bien assez. « Immortelle », la peinture : c'est ce qu'affirme Numa Hambursin, le commissaire de l'exposition. Personne ne semble en douter, si l'on en croit aussi bien la programmation des lieux d'art contemporain que les stands des foires et les catalogues de maisons de ventes. Le directeur du Mo.Co. a choisi pourtant le ton de la défensive dans l'introduction du catalogue, rédigé à la manière d'un manifeste pour « une exposition de combat ». Il poursuit : « La peinture figurative n'est pas réactionnaire (ni) passéiste », « la résistance (sic) a payé », ou encore « ces artistes (ont été) découragés par les écoles d'art, méprisés par les institutions, moqués par la majorité des critiques influents ». De qui parle-t-on ? Faux débat, mais regardons plutôt les œuvres, si tant est qu'on arrive à suivre. Car à l'appui de son manifeste, le commissaire (avec Amélie Adamo, historienne de l'art, et Anya Harrison, curatrice maison) a réuni sur les deux sites du Mo.Co. (hôtel particulier et Panacée) pas moins de 350 œuvres de 122 artistes nés après 1970. Un vrai marathon… Sans même juger de la qualité des œuvres, alignées sans contexte, on ne dira pas ce qu'une telle accumulation peut faire comme tort à chaque artiste, individuellement, ni à la peinture en général. L'exposition joue le rapport de force avec le spectateur : la quantité, la taille, l'iconographie, tout est dans l'excès, et pas forcément celui qui fait s'émouvoir (bien qu'on respire un peu mieux à la Panacée). Les artistes ne sont pas des combattants ni des héros. L'art n'est ni un champ de bataille, ni une stratégie de domination.
« Immortelle » au Mo.Co. (jusqu'au 4 juin, et Panacée, jusqu'au 7 mai), moco.art