Eva Hesse, interviewée par Cindy Nemser dans le Woman’s Art Journal en 1970[1], quelques semaines avant sa mort d’une tumeur au cerveau, dit à propos de savoir si son œuvre était féministe ou pas : « La façon de défaire la discrimination dans l’art, est par l’art. L’excellence n’a pas de sexe. » En ce qui la concerne, on peut dire que l’histoire lui donna raison.
Delphine Pouillé, comme Eva Hesse, est une artiste plasticienne qu’on peut affilier, du point de vue critique, au mouvement post-minimal — exactement 50 ans plus tard — et qui ne parle pas du genre dans son travail, détail important dans notre époque obnubilée par les identités (moi la première). Il est amusant de noter que comme Hesse avec le latex, Delphine Pouillé est obsédée par un matériel également industriel, aussi peu conservable, qui est la mousse polyuréthane. J’arrêterai là la comparaison plastique avec Hesse ; cependant, j’insiste sur une généalogie qui me paraît toujours importante de mentionner quand il s’agit d’artistes femmes : car l’entrée des femmes dans l’histoire de l’art ne va toujours pas de soi. Et certainement, aux côtés d’Eva Hesse, ont œuvré beaucoup de femmes à diversifier le champ du post-minimalisme et à en complexifier les enjeux, pour voir seulement une d’entre elles couronnée, en partie à cause…