Le hasard des dates fait parfois bien les choses. Le bicentenaire de la naissance de Rosa Bonheur arrive à point nommé, selon la commissaire de la grande rétrospective que lui concocte le musée des Beaux-Arts de Bordeaux. « Si les commémorations sont des prétextes, elles sont aussi des déclencheurs bienvenus, analyse Sophie Barthélémy, dont l’exposition ouvrira le 18 mai avant de partir au musée d’Orsay à l’automne. Le centenaire de la mort d’Odilon Redon en 2016 nous avait permis de prendre notre revanche sur la grande rétrospective de 2011 à Paris et Montpellier, que nous avions ratée. La commémoration de Rosa Bonheur il y a cinq ans n’aurait pas eu le même retentissement. Cette artiste n’a jamais autant résonné avec notre époque : c’est une artiste femme, écologiste qui défend la cause animale avant l’heure – ce qui séduit d’autant plus la nouvelle municipalité élue en 2020. Pourtant, sans cet anniversaire, je n’y aurais pas pensé. »
Toutefois, les conservateurs sont unanimes : un calendrier n’est pas une feuille de route. « On ne suit pas un calendrier de commémorations, nous sommes liés par la spécificité de nos collections », explique tout de go Jeanne Brun, directrice du développement culturel à la BnF, justifiant la programmation autour de Proust par l’ADN littéraire de la maison, et autour de Champollion par la correspondance qu’il entretînt avec Joseph Dacier, alors directeur de la BnF, où il partagea ses découvertes sur les hiéroglyphes. « Notre responsabilité est d’abord scientifique, poursuit-elle. La commémoration motive, face à l’ampleur des sujets que nous avons à traiter, et est une occasion à ne pas manquer quand le sujet est pertinent pour l’identité de notre établissement. » En écho, le musée des Beaux-Arts de Lyon rappelle que sa participation à l’année Champollion s’explique par l’aide étroite que lui procura François Artaud, premier directeur de l’institution rhodanienne. « Je ne fais une exposition que parce qu’il y a eu un grand travail derrière, pas pour une date, aussi porteuse soit-elle pour le public. On ne fait pas des expositions pour faire venir du monde, mais pour présenter le fruit d’une recherche, tandis que les dates anniversaires peuvent parfois contribuer à des prises de conscience et de décisions », explique sans ambages…