Une réunion de comité de direction dans une galerie de peintures, le lancement d’un nouveau produit au cœur de jardins historiques… Nombreuses sont les entreprises à succomber aux charmes des musées pour leurs évènements professionnels. La réciproque n’est pourtant que très récente. Les institutions culturelles sont parfois perplexes face au risque, légitime, de voir leurs collections endommagées par quelques coupes de champagne intempestives. Les locations d’espace demeurent encore dépendantes d’un acte de mécénat ou de partenariat comme contrepartie à titre gratuit (38 % des privatisations du musée d’Orsay en 2019). Dénoncé par les tenants de la bourse ou contré par les préconisations de l’Agence du patrimoine immatériel de l’État (APIE), ce savant mélange entre privatisation et mécénat tend à se tarir face à la prise de conscience des possibilités financières, culturelle et en matière d’image des locations.
Important gisement de recettes nettes, la location d’espace est en croissance continue – exception faite de la période très particulière de la pandémie. Entre 2003 et 2019, les recettes de locations d’espace du Louvre ont bondi de 310 % pour atteindre un total de 4 millions d’euros. Plébiscitées par les inspecteurs des finances au point de voir apparaître des indicateurs financiers en la matière dans les contrats d’objectifs, les locations commencent à être appréhendées comme un instrument de démocratisation culturelle où l’entreprise est vue comme un public à part entière. Visites libres ou guidées, conférences et ateliers sont compris pour toucher un public actif souvent difficile à attirer. Cet enjeu de rayonnement est d’autant plus flagrant lors des tournages et fait parfois oublier au musée sa juste rémunération. L’enjeu d’image autour du clip de Beyoncé tourné en 2018 dans la Grande Galerie du Louvre et visionné plus de 165 millions de fois l’a prouvé.
Vers une plus grande professionnalisation de l'offre
Malgré ses multiples vertus, la privatisation n’a toutefois rien d’une recette miracle tant les établissements culturels ne sont pas tous logés à la même enseigne. Si le Mucem offre à l’envi son toit-terrasse au bord de la Méditerranée et le Muséum national d’histoire naturelle propose avec verve ses 5 hectares de jardins, d’autres n’ont pas les mêmes atouts en matière de dimension, de localisation ou de contraintes techniques. Pour contrer ces handicaps, il n’est plus rare dans le cahier des charges des projets d’extension ou constructions nouvelles de voir apparaître l’équipement technique d’espaces privatisables. Ces écarts sont aussi la conséquence d’une forte disparité dans la professionnalisation de cette offre, avec pour certains un fort potentiel d’amélioration en matière marketing. Alors que d’un côté, certains musées hybrident la location avec une démarche commerciale de co-branding, d’autres proposent leurs services via un cahier des charges ou une délibération du conseil municipal en matière de tarification. Le référencement des offres muséales est aussi une des clefs de la réussite, tout comme l’harmonisation des prix qui, selon les institutions, comptent ou non des frais annexes mais nécessaires (nettoyage des espaces, personnel de surveillance ou vestiaire, traiteur, location de mobilier, assurance…). Dans cette période de questionnement sur le modèle économique des musées en proie à un effondrement de leurs ressources propres, et sachant que l’offre crée la demande, l’histoire de la privatisation des musées ne fait que commencer.