C'est un véritable art que d'échouer, et Martin Le Chevallier a développé à merveille le filon. L'artiste peaufine des réponses inacceptables à différents appels à projets et a le plaisir de se voir systématiquement rembarré. Parfois sèchement, parfois avec d'étonnantes lettres explicatives, qui nourrissent de forts dossiers présentés à la galerie Jousse Entreprise (pendant encore quelques jours – l'exposition fait partie des rescapées du confinement). Il ne s'agit pas que d'un jeu gratuit, mais de toucher là où ça fait mal, par exemple en suggérant à Audi une procession automobile de contrition pour l'affaire des moteurs truqués. Avec cette proposition spontanée, il s'introduit dans le débat qui fait rage sur le mémorial aux victimes de l'esclavage au jardin des Tuileries. En l'occurrence, il conseille de déboulonner sélectivement une statue du jardin : seul Jules Ferry est invité à descendre. Une façon de rappeler que le chantre de l'école pour tous, qui ne fut pas à son avantage pendant la Commune (maire de la ville et soutien de la répression), fut surtout un partisan passionné de la colonisation, de la Tunisie au Congo, jusqu'à l'Indochine. Pour celui que l'on nommait le « Tonkinois », fouler la poussière des allées n'est qu'une punition bien légère...
« Martin Le Chevallier. La stratégie du râteau », galerie Jousse Entreprise (6, rue Saint-Claude, 75003 Paris), programmée du 6 mars au 3 avril, prolongée du 19 au 22 mai.
jousse-entreprise.com