Nathalie Boutté (Montrouge 2012)
Raviver la mémoire de l’après-Sécession
Graphiste de formation, alors que le numérique n’avait pas encore supplanté les outils manuels dans l’édition, Nathalie Boutté (née en 1967) a cultivé son goût pour le « contact physique » avec le papier, à travers de minutieux collages de lamelles coupées au massicot. Ces compositions redessinent les traits de citoyens afro-américains photographiés vers 1880 dans le studio du portraitiste Rufus Holsinger à Charlottesville, là où une voiture-bélier tua deux contre-manifestants lors d’un regroupement d’extrême-droite en 2017. L’œuvre de Boutté accepte ainsi deux niveaux de lecture. Soit on se focalise sur ces fines languettes de papier japonais sur lesquelles une typographie a été imprimée en caractère gras ou fin, en guise de nuancier de couleurs. On se laisse alors absorber par cette superposition de fragments devenus indéchiffrables, formant un tuilage soyeux imitant les tirages sépia ou les teintes métalliques du nitrate d’argent. Soit on contemple ces assemblages avec davantage de recul pour se concentrer sur l’apparence des sujets – ce à quoi nous invite l’artiste en évidant l’arrière-plan de ses images où ne subsistent plus que les portraiturés. On reste ainsi frappé par l’approche progressiste d’Holsinger qui prête tant de prestance à ses clients, loin de la position subalterne et des stéréotypes racistes auxquels l’Amérique…