Petites, moyennes ou grandes, les institutions culturelles heurtées
« L’impact sera fort », affirme, grave, le président du Centre Pompidou. Contraint de fermer les portes de l’institution parisienne le 14 mars, à la veille de l’inauguration de l’exposition Christo et Jeanne-Claude, Serge Lasvignes a le cœur lourd. « Il est pour l’instant impossible d’évaluer le réel effet économique de cette crise sanitaire, poursuit-il. Nous ignorons beaucoup de choses de la pandémie qui pourrait bien durer plusieurs semaines ou mois. » À Marseille, le président du Mucem Jean-François Chougnet ne dit pas autre chose : « Si les conséquences économiques de la fermeture du musée sont encore difficiles à mesurer, la décision de fermer l’établissement au public s’est faite rapidement. Nous ne voulions pas exposer nos agents et le public au moindre risque. » Depuis vendredi 13 mars, les consignes du gouvernement ont évolué rapidement jusqu’à l’annonce du Premier ministre Édouard Philippe de la fermeture « jusqu’à nouvel ordre » de tous « les lieux recevant du public non indispensable à la vie du pays ». Après avoir annoncé qu’elle restait ouverte tout en veillant à l’application des consignes de sécurité et en ne dépassant pas la jauge de 100 personnes, la Maison Européenne de la Photographie s’est finalement ravisée et a décidé de fermer ses portes au public le temps de la pandémie, quelques heures seulement avant l’annonce d’Édouard Philippe. « Toutes les équipes de la MEP sont chez elles, affirme le directeur de l’établissement Simon Baker. La plupart sont en arrêt de travail ou en chômage. Seules quelques personnes sont en télétravail. » Au BBB, centre d'art à Toulouse, sa directrice Marie Bechetoille annonce le report de l’exposition à venir et des activités de la plateforme ressource, l'annulation de visites et d’ateliers, la suspension de projets en direction des scolaires. « Toutefois, le centre d’art s’engage à maintenir les honoraires des différents artistes invités et a mis en place du télétravail pour les salariés », précise-t-elle.
Même chose au Muceum où seules « les fonctions essentielles de l’établissement ont été maintenues, décrit Jean-François Chougnet. Et elles sont assez peu nombreuses dans un musée et touchent tout ce qui a trait à la sécurité des bâtiments et à la fiabilité informatique ». Au sujet des conséquences économiques de la fermeture de l’institution marseillaise, son président fait dans la nuance : « Nous n’avons désormais plus d’autres ressources que les subventions du ministère qui nous finance à hauteur de 25 %, développe Jean-François Chougnet. Pour calculer l’impact de cette crise sanitaire sur notre économie, il faut faire des calculs finement : nous avons certes moins de recettes mais également moins de dépenses. » Si le musée d’Orsay nous a affirmé « n’avoir aucun chiffre à communiquer sur les répercussions économiques du coronavirus » et que le musée du Louvre n’a pas répondu à nos demandes, le président du Centre Pompidou nous a quant à lui certifié que l’établissement allait perdre « 1,2 million d’euros par mois en billetterie et plus de 600 000 euros par mois en commerce (restauration, librairie, etc.) ». Et de poursuivre : « Nous ignorons également la réaction que les mécènes vont avoir et nous attendons donc à un impact très important sur les finances du musée. » Au Mucem, le président de l’institution regrette également l’impact de cette crise sur les sous-traitants, comme les agents de sécurité : « La fermeture du musée va avoir des conséquences également en dehors de l’établissement. » Toutes les personnes interrogées assurent cependant qu’il n’y avait d’autres solutions que la fermeture pour endiguer la pandémie. « Notre priorité, c’est la santé publique », confirme Agnès Benayer, directrice de la communication et des partenariats au Centre Pompidou.
Des expositions fantômes ?
Ainsi, dans les musées, l’heure est aux analyses et les équipes essaient tant bien que mal de se projeter. « Nous sommes au tout début de notre saison, explique Simon Baker. Elle a débuté le 4 mars… Que faire ? Décaler le début de la prochaine ? » Au Centre Pompidou, la rétrospective sur Christian Boltanski ne peut pas être démontée, et la programmation à venir est incertaine : la crise est internationale et les prêts sont pour l’heure bloqués. « Nous avions prévu une belle exposition sur le travail d’Henri Matisse au printemps, explique Serge Lasvignes. Mais sera-t-on en mesure de l’ouvrir à…