Yasmina Benabderrahmane (Montrouge 2009)
La peau des sols et les corps-machines
Il serait tentant d’affirmer, face à l’exposition « La Bête, un conte moderne », de Yasmina Benabderrahmane au Bal, qu’il se joue quelque chose là d’« universel » dans sa manière de capter le réel par fragments, qu’ils soient géologiques ou corporels. Pourtant, ce mot est chargé d’une histoire et correspond à une position spécifique qui colonise des cultures « locales ». Il serait plus juste de regarder les corps et les constructions qu’elle filme comme porteurs d’une mémoire. En revenant à son Maroc natal, après quatorze ans d’absence, « j’ai redécouvert un pays que j’avais complètement oublié, qui avait complètement changé. Même les membres de ma famille, je ne les ai pas reconnus. Alors je me suis mise à tout filmer, à vouloir tout cristalliser. Ces images font corps avec mon histoire ». Elle y va à la rencontre de la « Bête » du titre, à la fois un chantier pharaonique en plein désert – le projet d’un Grand Théâtre par Zaha Hadid, décidé par le Roi dans la vallée du Bouregreg – et la bête sacrée, le mouton sacrifié pendant la fête traditionnelle de l’Aïd. Cette tension pourrait se retrouver aussi entre son oncle, géologue qui travaille pour l’État,…