« En créant la revue, nous étions convaincues que les formes visuelles sont elles-mêmes des formes critiques. D’où notre envie de dissocier le texte des images, qui peuvent être empruntées à l’actualité ou à la culture pop, affirme Catherine Chevalier, co-fondatrice de la revue trimestrielle May, basée à Paris. Nous ne voulions pas de grille autoritaire entre forme et contenu, mais une équivalence entre les textes – essais, poèmes, textes d’artistes ou compte-rendus d’exposition ». Fondée en 2009 et tenue pour confidentielle, May est pourtant la revue française (bilingue) la plus surveillée par les artistes et curateurs internationaux, grâce à son nomadisme permanent entre New York et l’Allemagne, aux discussions, amitiés et controverses avec des interlocuteurs très impliqués dans les débats artistiques actuels. « Il fallait que le langage des images soit aussi impur que le texte. Avec Eva Svennung (co-fondatrice de la revue et responsable du lieu indépendant parisien Goton, ndlr), qui a vécu l’expérience du fanzine Pacemaker (2003-2006), on disait en rigolant qu’on voulait faire un Vanity Fair à la main, à la fois pop et sérieux ». À écouter Catherine Chevalier, il y a une histoire de l’art des années 1990 et 2000 encore à écrire, quand l’enseignement en école d’art semble stagner aux avant-gardes des années 1960. « Les années 1990 à Paris ont été un moment exceptionnel, allant de la mode au club Pulp, et un esprit communautaire condensé par les débuts de la revue Purple (1992-1998) ». May s’est essayée à analyser cette décennie, republiant un texte-manifeste d’Olivier Zahm (1996), co-responsable de Purple, selon lequel « la critique d’art est l’occasion de sortir de la théorie, de rencontrer et d’interférer avec l’art, c’est-à-dire de trouver une position et un style. C’est générer des interférences, non additionner des références ».
Voulant rompre avec un certain isolationnisme de la scène française, Catherine Chevalier s'est rapprochée de la scène de Cologne et de la revue Texte zur Kunst, créée en 1990 par Isabelle Graw et Stefan Germer, dont elle publia une anthologie de textes en français. « Ils se…