En 2001, un collectionneur poursuivait en justice Marc Restellini, spécialiste d’Amedeo Modigliani. Motif : son refus d’intégrer deux dessins de l’artiste dans le catalogue raisonné qu’il était en train de préparer pour l’institut Wildenstein. Après un passage devant le tribunal où un expert a déclaré les dessins authentiques, le juge a ordonné leur inclusion à l’ouvrage. L’institut comme le spécialiste ont alors décidé de mettre fin à leur projet de catalogue. Des cas de figure similaires, il en existe pléthore. « Lorsque nous délivrons des certificats de non-authentification, les gens se vexent et portent souvent l’affaire devant le tribunal, abonde Agata Boetti, fille d'Alighiero Boetti, chargée depuis le décès de l'artiste italien en 1994 du catalogue général de son œuvre. Mais c’est très étrange pour nous car dans ces cas-là, nous sommes à la fois les accusés et les experts. L’affaire, généralement, finit par être classée. » En effet, les archives d’Alighiero Boetti ont, en leur sein, un comité d’authentification qui réalise les expertises des œuvres, notamment celles des travaux de camouflage au stylo bille et les broderies, « l’une des typologies les plus falsifiées », affirme Agata Boetti.
Dans son ouvrage La Face cachée du marché de l’art (2018, Beaux-Arts éditions), Georgina Adam explique quant à elle qu’« en termes d’authentification d’œuvres d’art, peu de successions d’artistes disposent de commission d’authentification » et qu’ainsi « le dernier mot revient souvent au catalogue raisonné ». Mais une œuvre non intégrée dans un catalogue raisonné est-elle nécessairement fausse ? Cela a-t-il une influence sur sa valeur commerciale ? Comment les archivistes d’un artiste décident-ils d’intégrer ou non une œuvre au catalogue raisonné ? Quelle est leur méthodologie ?
Les catalogues raisonnés, vecteurs d’authentification
Avant même de commencer le travail, il faut définir une chose essentielle : catalogue raisonné (consacré à un médium) ou catalogue général (tous médiums confondus) ? Agata Boetti a fait le choix du général : « Nous avons dû nous adapter à une œuvre complexe. Alighiero Boetti n’a jamais classé ses travaux par ordre de valeur ou d’importance et pour lui une lithographie avait autant d’importance qu’une Mappa. » Réaliser un catalogue général tombait donc sous le sens pour la fille de l’artiste italien afin de « tout mettre sur le même plan, comme lui ». Une fois le choix fait, la méthodologie de recherche sur les œuvres qui figureront dans l’ouvrage est globalement la même pour tou.te.s. « On amasse toutes les informations possibles, sans pour autant faire d’authentification officielle », affirme la chercheuse Mara Hoberman, qui travaille sur le catalogue raisonné de l’œuvre peint de Joan Mitchell. Elle poursuit : « Je passe beaucoup de temps dans les archives des institutions possédant ses œuvres,…