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La gestion digitalisée des collections : progrès ou danger ?

La gestion digitalisée des collections : progrès ou danger ?
Un régisseur d'œuvre à l'ouvrage.
© Hiscox Group.

La révolution digitale arrive à pas feutrés dans l’assurance des œuvres d’art. Doit-on y voir une amélioration des services ou un risque en termes de qualité et de protection ? Tour d’horizon des innovations récentes.

« Pour plus d’informations, prenez rendez-vous avec un conseiller », « Pour de plus amples renseignements, remplir le formulaire ci-dessous »... Côté offre numérique, les courtiers en assurance de l’art présentent, à première vue, un encéphalogramme plat. Le seul à se lancer est Appia Art et son service de devis en ligne sur la base d’un questionnaire. « L’assurance de l’art demande de la pédagogie, de l’accompagnement pour expliquer le besoin et les garanties. Un comparateur de primes ou un devis immédiat substitueraient une approche par le prix à une approche par la garantie de bonne gestion patrimoniale », observe Nicolas Kaddèche, assureur échaudé et directeur du département Fine Art d’Hiscox. En 2017, ce dernier lançait, avec la SAS Assureurs Analystes Associés, Artesupra.com, première solution d’assurance Fine Art en ligne, qui fermait boutique un an plus tard. Hiscox se rabattra à l’automne sur un extranet pour courtiers afin de préparer le contrat en ligne et les cotations pour les collections au capital modeste, de 25 000 à 500 000 euros. Cette solution innovante, une première française, existe déjà au Luxembourg. « Il n’est plus envisageable pour un jeune collectionneur d’attendre un mois pour recevoir sa police d’assurance », témoigne Olivier Héger, PDG de Circles Group. L’assureur luxembourgeois a donc développé un système de souscription en ligne à partir d’un questionnaire pour calculer une prime et préparer un contrat distribué par le réseau de courtiers. Convaincu, il bat en brèche les arguments de ses concurrents : « Ce n’est pas parce qu’on souscrit une assurance en ligne que l’on est moins bien couverts. Nous sommes réassurés et offrons donc autant de garanties qu’AXA. Le digital est plus souple, raccourcit la chaîne de sinistres et n’enlève rien à la pédagogie et l’accompagnement. » Depuis novembre, Circles Group va plus loin et propose un outil promis à un brillant avenir : une fois devenu membre par le réseau de courtiers, le client peut faire son inventaire sécurisé en ligne, accessible uniquement par lui, et gérer au jour le jour le périmètre de sa collection à assurer. En cas d’ajout ou de cession d’une œuvre, le collectionneur met à jour son inventaire et donc sa prime, via un avenant au contrat qui lui sera envoyé dans la foulée. Plusieurs clients français ont déjà recours à ce service.

Assurer et indemniser en un clic ?

Dans cette logique, Emmanuel Moyrand, fondateur de Monuma, première solution entièrement digitale d’expertise à distance sécurisée par la blockchain couplée à des solutions d’assurance, se frotte les mains et attend son heure. Il sait que l’assureur ne se délace pas pour un sinistre sous la barre des 5 000 euros, mais peut être intéressé par des preuves certifiées. « Monuma est un outil pour mettre à jour la valeur d’un objet précieux, simplifier toutes les demandes en cas de déménagement, de succession. Cela va ouvrir les portes de l’assurance à la demande, si l'on a besoin d’une couverture seulement pour une soirée, une semaine… », explique le co-fondateur de la start-up. L’idée ne fait pas l’unanimité. Sans parler des problématiques liées à la valeur à donner à l’expertise à distance, l’assurance à la demande n’est pas vue d’un très bon œil par les assureurs. « Cette proposition est inverse à la logique de l’assurance proche de la prévention. En se focalisant sur le moment du risque maximum, les primes très élevées freineront l’accès au client », explique Hiscox. Monuma mise aussi sur le développement de l’assurance paramétrique avec une indemnisation immédiate d’un sinistre modeste, comme l’application le propose déjà dans le domaine de la perte de bagages en partenariat avec Moonshot. « L’assurance paramétrique est trop compliquée à mettre en place dans le Fine Art, où tout se fait sur-mesure. On ne peut pas appliquer de critères normés sur un sinistre d’œuvre d’art, ne serait-ce que par la prise en compte de la dévaluation d’un bien », rétorque Christophe Monange chez Helvetia.

Pour l’heure, l’innovation entrée dans les usages se réduit à la blockchain. « Son potentiel sera important dans le transport des œuvres. Des photos sécurisées systématiques permettront de réduire la sinistralité car le transporteur sera plus vigilant, estime Hadrien Brissaud du courtier Appia Art. Forts du partenariat avec Monuma, nous attendons de voir comment le service est utilisé par nos clients, pour savoir si nous accélérons dans ce sens ou si la blockchain est un gadget. » La visibilité n’est pas encore bonne, mais le tournant est pris.

Nicolas Kaddèche.
Nicolas Kaddèche.
LD.
Emmanuel Moyrand.
Emmanuel Moyrand.
LD.
Olivier Héger.
Olivier Héger.
Courtesy Circles.
Hadrien Brissaud et Edouard Bernard.
Hadrien Brissaud et Edouard Bernard.
© Appia Art & Assurance.

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