Miryam Haddad se souvient de sa vie d’avant la guerre comme si c’était hier. Le mirage d’une autocratie éclairée ne s’était pas encore fracassé sur les inégalités du système. C’était avant la contestation des quartiers populaires et le basculement dans l’affrontement armé qui a fait plus de 500 000 morts depuis 2011 et jeté sur la route de l’exil quelque 5,6 millions de Syriens, qui représentent désormais près de 25 % des réfugiés dans le monde. Les bruits d’artillerie, fracas d’explosion et tirs d’obus, l’inflation et la pénurie ont formé leur quotidien. Aujourd’hui, ils souffrent de précarité, de déclassement et d’isolement. Parmi eux des artistes, dont une vingtaine expose jusqu’au 14 avril dans « Où est la maison de mon ami ? » à la Maison des arts de Malakoff. Certains sont accueillis à l’Atelier des artistes en exil, à Paris, association qui offre des espaces de travail à quelque 200 réfugiés du monde entier (un quart d’entre eux, autant d’hommes que de femmes, tous domaines artistiques confondus, sont syriens). Après y avoir suivi un programme de formation, trois ont intégré les Beaux-Arts de Paris.
Un choix douloureux
Impossible de connaître le nombre exact de créateurs syriens établis en France. Une chose est sûre en revanche : pour tous, le choix de l’exil a été douloureux. « Je ne peux pas en parler, ça m’étouffe », confie la graphiste Sana Yazigi, des sanglots dans la voix. Certains sont exilés de longue date. C’est le cas de la cinéaste Hala Abdallah, 63 ans, militante politique plusieurs fois emprisonnée sous le régime des Assad, père et fils. Cette force tranquille a quitté son pays en 1981 avec son fiancé qui deviendra son mari, l’artiste Youssef Abdelké, né en 1951. Et puis il y a ceux arrivés avec la guerre, à reculons pour la plupart. Miryam Haddad, 28 ans, attendra l’été 2012, quand les bombardements se sont intensifiés, pour migrer à Paris. « À l’université d’architecture, à côté des Beaux-Arts, un kamikaze s’était fait sauter, la terre tremblait tout le temps », raconte-t-elle. Pour autant, elle décide de partir avec seulement un bagage léger, juste quelques toiles pour étoffer son dossier de candidature pour les Beaux-Arts de Paris. C’est lorsqu’elle « n’a plus vu de place pour l’activisme » que Diala Brisly a, quant à elle, quitté Damas, direction Istanbul en 2013, puis le Liban avant d’arriver en 2016 en France et de partir à Berlin. Disposant d’un espace à l’Atelier des artistes en exil avec trois autres femmes de diverses nationalités, Lina Al Jijakli, 37 ans, est arrivée en France en 2010, un an avant la révolution. En 2012, sa bourse d’études a été…