«Emergence » : le monde de l’art n’a plus que ce mot à la bouche. Quantité d’événements servent désormais de tremplin aux jeunes pousses : Salon de Montrouge (relifté pendant sept ans par Stéphane Corréard dans l’esprit de La Nouvelle Star et repris en mains en 2016 par Ami Barak), Jeune Création, Prix de la Fondation d’entreprise Ricard — qui a plébiscité de jeunes artistes devenus stars comme Tatiana Trouvé ou Clément Cogitore, avec un train d'avance sur le Prix Marcel Duchamp — bourse Révélations Emerige, prix Meurice pour l’art contemporain, Biennale Émergences...
Y a-t-il une course au jeunisme ? Oui, à regarder le nombre croissant de collectionneurs portés sur la chair fraîche. « La société contemporaine est assignée au jeunisme. C’est comme l’obsolescence programmée, il faut un renouvellement constant sinon le marché est en panne », ironise Ami Barak. La curatrice Marianne Derrien tempère : « Le Salon de Montrouge a permis de réfléchir à la notion d’émergence sans que cela soit nécessairement synonyme de jeunisme : on peut y voir un artiste “émerger” une fois qu’il a mûri sa pratique, même à plus de cinquante ans... D’ailleurs un autre discours apparaît, qui valorise l’expérience. Le seul critère de nouveauté empêche de réfléchir. » Faut-il pour autant rejeter l’attrait pour la jeunesse ? Selon Jean de Loisy, président du Palais de Tokyo, « il ne faut pas se plaindre de la “course à l’émergence” : l’appétit pour le travail des jeunes artistes est une preuve d’attention à l’effervescence ».
Entrer dans la lumière
Pourtant le chemin de l’émergence est ardu. Seuls 10 % des étudiants en art deviendront artistes professionnels. La sortie du cocon protecteur qu’est l’école d’art rime souvent avec une chute de tension et une phase de jachère. Rien de plus dur que d’avoir quelque chose à raconter, trouver les bons interlocuteurs, construire une pensée, une carrière et compenser la baisse drastique des revenus – finies les bourses d’étude ! Première entrave : la survie économique et…