Presque soixante ans après l’expédition de Roberto Longhi, Michel Laclotte et André Berne-Joffroy au Musée des beaux-arts de Rouen qui permit à la France de s’enrichir d’un cinquième Caravage, La Flagellation du Christ, la réapparition de Judith tranchant la tête d’Holopherne permet d’interroger à nouveau les critères de reconnaissance d’une oeuvre authentique de Caravage. Dans ses Souvenirs d’un conservateur (Éditions Scala, 2003), Michel Laclotte décrit la réaction de Longhi devant le tableau de Rouen : « Il a exécuté une espèce de danse muette autour de la toile, l’a regardée de différentes façons, et tout à coup, très vite, nous avons lu dans son expression que le tableau devenait un Caravage. Il nous a expliqué pourquoi il était sûr de son attribution : en regardant le tableau en lumière rasante, on apercevait un trait technique qui ne trompe pas. Contrairement à d’autres, Caravage ne dessinait pas – il n’y a pas de dessins de Caravage, pas plus que de Vélasquez ou de n’importe quel caravagesque –, mais vraisemblablement il n’exécutait pas non plus de dessin sur la toile elle-même. Il travaillait directement sur la préparation encore fraîche en utilisant la partie pointue du manche du pinceau pour inciser les contours des personnages dans la préparation. Incontestablement, on pouvait voir ces contours gravés dans la couche picturale. Dans certains cas, les rentoilages successifs, les manipulations ont écrasé la surface et effacé cette marque en creux dans la peinture. Là, elle existait encore. Il va de soi que ce détail technique n’aurait pas suffi si la peinture n’avait présenté tous les signes qualitatifs de l’originalité. Mais c’était le stigmate qu’aucune copie n’aurait présenté. C’est ainsi qu’un tableau quelconque d’un musée de province devient subitement un chef-d’oeuvre. Par un regard ». Judith tranchant la tête d’Holopherne fut découverte en avril 2014 dans la sous-pente d’une maison de la région toulousaine à l’occasion d’une fuite d’eau. Le commissaire-priseur toulousain Marc Labarde auquel s’étaient adressés les propriétaires, conscient de la qualité du tableau, le soumit alors au Cabinet Éric Turquin qui…
Questions autour d’un possible Caravage
Le Judith tranchant la tête d’Holopherne, présenté ce matin par le Cabinet Turquin, est-il de la main de Caravage ? À peine le tableau a-t-il été dévoilé que les spécialistes se déchirent sur la question.