Aurélie Filippetti, ministre de la Culture de mai 2012 à septembre 2014, a vu son budget diminuer de près de 6 % en deux ans, et passer de 1,1 % à 0,95 % du budget général de l’État. Le site Médiapart qui publie une dizaine de notes témoignant des débats internes aux gouvernements de Jean-Marc Ayrault puis de Manuel Valls sur la place de la Culture, révèle que la ministre s’est battue bec et ongles pour préserver le budget de son ministère. « Les arbitrages rendus m’inquiètent beaucoup. […] Je crains que nous ayons à gérer des mouvements forts. Je crains que tout projet ambitieux soit rendu impossible », explique-t-elle au Premier ministre deux mois après la victoire de François Hollande en 2012. Et d’insister un mois plus tard : « je constate avec amertume à quel point la gauche a renoncé à voir dans l’art et la culture un vecteur de lien social. Le mépris gestionnaire pour ce secteur, que nous avons dénoncé pourtant chez M. Sarkozy, mais qui seul peut expliquer que l’on s’acharne à regarder ligne à ligne un budget si étroit déjà, nous amène à renoncer à un levier économique, citoyen et politique que je continue de croire essentiel ». L’ancienne ministre ne mâche pas ses mots : « la parole donnée, pendant la campagne présidentielle mais également après les élections (vous avez vous-même annoncé que le budget de la Culture ne serait pas amputé), n’est donc pas respectée, ce qui me paraît soulever un problème politique majeur ». François Hollande s’était engagé à maintenir le budget de la Rue de Valois dans un discours du mois de janvier 2012, quand il était en campagne. Le président est directement pris à partie dans deux notes datées respectivement de janvier 2013 et janvier 2014. La première rappelle que « le gain budgétaire d’une vision trop restrictive, pour un budget qui ne représente que 0.7 % de l’État [en 2012] est évidemment limité alors que le risque est lourd de conséquence ». Un an plus tard, elle écrit : « personne ne comprend notre stratégie. Aujourd’hui, les alertes sont partout fortes. […] L’équation est catastrophique politiquement ; elle pèse aussi sur l’image du président de la République ». Quelques mois avant sa démission en août 2014, Aurélie Filippetti commence à émettre des doutes sur son engagement : « si je m’inscris dans le cycle budgétaire qui s’annonce, je ne pourrai que proposer des solutions politiquement intenables (de privatisation et de fermetures) ». Et d’ajouter en pied de page, à la main : « mon inquiétude est extrême. La situation budgétaire du ministère ne permet plus de mener à bien ses missions. La culture ne peut plus être mise à contribution. J’ai besoin de ton soutien ». Aurélie Filippetti annonça sa démission le 25 août 2014, avant de rejoindre le groupe de frondeurs de l’aile gauche du Parti Socialiste.