Pour fêter les dix ans de la Maison rouge à Paris, son fondateur, le collectionneur Antoine de Galbert, présente une partie de sa collection agencée en un long mur réalisé grâce à un algorithme utilisé par les mathématiciens, la méthode de Monte-Carlo. Rencontre.
R. A. Quand vous vous êtes lancé voilà dix ans, il n'était pas si évident de montrer des collections privées.
A. de G. « Passions privées » [au musée d'art moderne de la Ville de Paris], en 1995, était la seule expérience d'exposition de collections privées dans un musée. Même quand nous avons inauguré la Maison rouge en 2004, à ma connaissance, aucun musée ne le faisait. Le Centre Pompidou n'a toujours pas montré de collections, hormis Denise René. Moi, j'ai appris dans les musées, en autodidacte, avec mes yeux. Mais on n'y voit que le sommet de l'iceberg, des milliers d'artistes sont invisibles. Dubuffet parlait des musées comme des préposés au tri, j'adore ce mot. Ce que j'aime dans les collections privées, c'est cette liberté, voire un artiste très connu à côté d'un inconnu. C'est d'ailleurs devenu la définition de la collection pour moi. Si on n'a que des artistes connus, on est un imposteur, un suiveur. Et si on n'a que des inconnus, on n'a pas de vision. Acheter des inconnus, d'accord, mais si dix ans après ils le sont toujours, ce n'est pas nécessairement bien.
R. A. Dix ans après, croyez-vous toujours à cette idée de collection-découvertes ? On a l'impression que les collections sont de plus en plus standardisées.
A. de G. Je rencontre encore des Jean-Jacques Lebel qui ont une vision. Ce qui est intéressant chez les collectionneurs, c'est plus ce qu'ils constituent que ce qu'ils sont eux-mêmes. Il y a un risque de répétition. Et il y a cette standardisation que je trouve insupportable. Même en France, dans beaucoup de jeunes collections, on a l'impression de voir quinze galeries du Marais. Ils ont des choses parce qu'il faut les avoir. On rentre dans des univers où il y a quinze photos plasticiennes avec un gamin qui est au bord d'un lac. Que disent-elles ? Il faut quand même que ça dise quelque chose.
R. A. Cela va-t-il induire un virage dans la fondation ?
A. de G. Je suis toujours très ancré dans l'art d'aujourd'hui, je ne vais pas révéler mes tentations « jeanclairistes ». J'essaye d'éviter l'actualité, le Salon de l'auto permanent. Cela se voit dans la programmation de la Maison rouge. Nous n'excluons pas la recherche et ce qui est passionnant dans l'art contemporain, mais je ne suis pas…