Avec 198 œuvres, la Biennale de Sharjah 2025 ne fait pas dans la demi-mesure. Alors que quantité et qualité s’excluent souvent, la plus vieille biennale du Moyen-Orient, née en 1993, prouve qu’il peut en être autrement. Le parcours pensé par le quintette de cinq têtes fortes (l’Indonésienne Alia Swastika, l’Émirienne Amal Khalaf, la Néo-Zélandaise Megan Tamati-Quennell, l’Indienne Natasha Ginwala, la Turque Zeynep Öz) est physiquement et intellectuellement très engageant, sans pour autant lasser. On le qualifierait facilement d’exhaustif – plusieurs jours étant nécessaires pour tout voir –, avant de se rendre compte que, précisément, l’ambition et le tour de force étaient de ne pas l’être. « Nous n’avons pas cherché à créer quelque chose d’abouti. La biennale dépasse largement sa géographie et son temps pour rejoindre et incorporer d’autres espaces et d’autres époques », explique la co-curatrice Amal Khalaf, qui qualifie les quatre mois de l’événement (6 février– 15 juin) de « moment de spectacle dans la vie du projet ». Un vaste projet, qui, comme sa thématique centrale « to carry » l’indique, n’a pas vocation à s’arrêter ni à être arrêté.
Relais radio
Loin d’être une fin en soi, l’événement est pensé comme un moyen pour « porter », dans tous les sens du terme, la parole de multiples récits du Sud global. Porter financièrement et matériellement grâce à un solide budget ayant permis la commande de 80 % des œuvres exposées ; porter médiatiquement grâce à la plateforme de visibilité internationale qu’offre la biennale à ces multiples voix, trop longtemps marginalisées par l’histoire et le marché de l’art occidentalo-centré ; porter, au sens métaphorique, en s’en faisant le relais radio. L’expérience de visite fait l’effet…