Musées-mémoriaux : l'adaptation comme règle d'or 

Le territoire français est tissé d'un maillage de musées-mémoriaux consacrés aux deux guerres mondiales : aux centaines de musées honorant les anciens combattants, pour la plupart associatifs, s'ajoutent les institutions consacrées à la mémoire des victimes civiles. Le devoir de mémoire est aujourd'hui sur toutes les langues. Et pourtant, les conditions sont loin d'être réunies pour que les équipes puissent accomplir de manière optimale leurs missions de conservation. Les musées n'ont alors d'autre choix que de faire preuve d'une capacité d'adaptation à toute épreuve.

Sous-effectifs et maigres subventions 

« Nous ne sommes pas suffisamment nombreux au service des archives pour être monotâches », explique Karen Taieb, responsable des archives au Mémorial de la Shoah. Trois personnes s'occupent de la gestion du fonds. Outre les quelque 30 millions de documents, le service gère une collection d'environ 2 000 dessins et 5 000 objets. Au quotidien, le manque de personnel contraint l'équipe à prioriser. Une hiérarchisation qui se fait nécessairement au détriment de certaines missions, comme la recherche de subventions. « On s'occupe de la collecte, du classement et de la communication parce que c'est l'urgence », avoue Karen Taieb. 

Le Mémorial de Caen est lui aussi confronté à des problématiques structurelles. Suite au départ du conservateur au début des années 2000, « il n'y avait plus personne pour gérer les archives et les collections, confie Christophe Prime, responsable des collections du Mémorial de Caen. J'ai donc repris le flambeau. » Aussi l'historien a-t-il dû s'initier à la conservation. Sa charge de travail ne lui permet pas de participer à des formations, mais Christophe Prime apprend au contact des professionnels : « Ce sont ces échanges qui me permettent de m'améliorer et qui suppléent un peu les formations. »

« Les musées associatifs font beaucoup pour la préservation de notre histoire et pourtant, la plupart n'ont quasiment aucune subvention », déplore Laurent Koepfler, responsable des collections du musée-mémorial des combats de la Poche de Colmar. Hormis la petite dotation annuelle de la ville de Turckheim, le musée ne bénéficie d'aucune aide de la part de l'État ni des collectivités territoriales. Le manque de budget impacte en premier lieu la gestion de la collection, le matériel de conservation et les systèmes de contrôle de température et de taux d'humidité étant très onéreux. « On n'a pas les moyens d'avoir des salles avec l'hygrométrie et le matériel nécessaire, alors on fait avec les moyens du bord », affirme Laurent Kloepfer. Au fil des ans, le bénévole a tenté de pallier ces difficultés en stockant les objets dans les espaces du site où les variations de température et les risques d'inondation sont les plus faibles. Les pièces les plus fragiles sont quant à elles conservées dans un local en dehors du musée. 

De la réhabilitation de locaux à la construction de réserves 

« Quand le CERD a été construit en 2005, il n'avait pas été prévu de lieu pour stocker les collections. Un local lié aux archives a été transformé en lieu de conservation », révèle Michaël Landolt, directeur du Centre européen du résistant déporté (CERD), en charge du Mémorial de l'ancien camp de concentration de Natzweiler-Struthof. Malgré sa petitesse, ce local a abrité la collection pendant 20 ans. Or le fonds conservé par le Centre s'enrichit d'année en année et le nombre d'objets s'élève aujourd'hui à environ 7 000. L'équipe a décidé de construire de nouvelles réserves, qui seront inaugurées dans le courant de l'année. 

« Avant 2016, les collections étaient stockées au sein d'espaces réhabilités en réserves qui n'étaient pas dotés de systèmes de contrôle du climat », confie de son côté Amélie Delobel, responsable des collections et des expositions au Mémorial de Verdun. Le musée a lui aussi été confronté à l'accroissement de sa collection au fil des dons et legs, et plus récemment des achats. De quelques centaines d'objets, la base de données est passée à environ 20 000 entrées, le nombre réel d'artefacts étant quasiment impossible à déterminer. Le Mémorial a donc dû faire construire des réserves spécifiques respectant les normes de conservation préventive. Reste à espérer que d'autres structures plus petites, œuvrant au quotidien pour la préservation de l'histoire, puissent également jouir d'équipements à la hauteur de l'investissement de leurs équipes, qui sont pour beaucoup bénévoles.