On l'a un peu oublié, mais dans le passé, les papes ont eu un rapport privilégié avec l'art contemporain : Bramante, Michel-Ange, Raphaël, Titien étaient chez eux au Vatican... Ce lien s'est largement distendu par la suite, les souverains pontifes se souciant davantage de gérer leur extraordinaire patrimoine (qui donna notamment lieu à la création du laboratoire de restauration des peintures en 1923) que de suivre la création actuelle, même s'ils pouvaient s'autoriser un certain intérêt pour l'affaire : Paul VI a ainsi inauguré en 1973 un département d'art moderne et contemporain dans les musées du Vatican. Jorge Mario Bergoglio s'est montré bien plus engagé : être le premier pape à visiter la Biennale de Venise (créée en 1895) est en soi un titre de gloire. Le 28 avril 2024, il visitait le pavillon du Saint-Siège, installé dans la prison pour femmes de la Giudecca, sous le commissariat de Chiara Parisi, directrice du Centre Pompidou-Metz, et de Bruno Racine, directeur du Palazzo Grassi et de la Punta della Dogana. Les prisonnières elles-mêmes assuraient le commentaire des œuvres de Claire Tabouret, Simone Fattal, Sonia Gomes ou Claire Fontaine. Le pape avait d'ailleurs précisé sa conception de l'art dans un petit livre paru en 2015 chez Mondadori, La mia idea di arte, où il donnait en exemple Alejandro Marmo, un muraliste argentin peu connu collaborant avec des personnes déclassées et des matériaux de rebut, mais prenait aussi position pour des musées largement ouverts à tous les publics, jouant le rôle de lieux de dialogue. À l'occasion du cinquantenaire de la collection moderne et contemporaine, il avait réuni, le 23 avril 2023, dans la chapelle Sixtine, un aréopage de quelque 200 créateurs. Il leur avait affirmé que « votre art est comme une voile qui se gonfle de l'Esprit et nous permet d'aller de l'avant », ou encore : « Vous, artistes, avez la capacité de rêver de nouvelles versions du monde (...) la capacité d'introduire de la nouveauté dans l'histoire. » Figuraient parmi les élus Jean Nouvel, Anselm Kiefer, Anish Kapoor, Daniel Arsham, mais aussi, preuve d'une réelle ouverture, Andres Serrano, pourtant peu en odeur de sainteté quand il avait créé son Piss Christ en 1987. Le pape n'en avait pas pour autant négligé la dimension patrimoniale : en vue du Jubilé de 2025, d'importants travaux avaient été lancés au Vatican, notamment la restauration de la plus grande des Stanze de Raphaël, la Salle de Constantin, achevée en décembre 2024 après quasiment une décennie de soins.
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