Je réitère mon entier soutien et ma compassion aux victimes de violences et d’abus. Concernant la gestion des alertes, il y a eu effectivement un défaut dans la circulation des informations. Il s’est avéré, après réception du courrier anonyme en juin 2019, que des étudiant·e·s et deux professeurs avaient alerté un membre de la direction de l’école dès le mois d’avril, mais que ces alertes n’avaient hélas fait l’objet d’aucune procédure de traitement ni de transmission, et ne m’étaient pas parvenues. De même, l’enquête administrative a révélé qu’un mail d’une ancienne étudiante datant de novembre 2018 avait été relayé à un membre de la direction : il n’a été porté à ma connaissance qu’en juillet 2019. La formalisation d’une procédure de transmission des alertes, qui est la même pour tous, aurait permis d’objectiver la situation, d’instaurer la confiance et de sécuriser les étudiant·e·s comme les agent·e·s. Par ailleurs, des étudiants, sous couvert d’anonymat, avaient alerté l’inspectrice du ministère en mars 2019 sur des faits de discrimination à l’égard d’étudiantes. Ni le président ni moi-même n’avons reçu cette information importante pour la sécurité des étudiant·e·s. avant la remise du rapport d’inspection trois mois plus tard, fin juin 2019. Aussi, à ma connaissance, il s’est écoulé plusieurs mois (et non plusieurs années) entre les premières alertes non transmises et le courrier anonyme, ce qui est très dommageable. Il semble en effet qu’un « tabou » ait été entretenu sur les agissements de certains professeurs, dont celui-ci. Si les alertes m’étaient parvenues plus tôt, nous aurions pu agir plus rapidement. Nous avons dès la rentrée 2019, et à de multiples reprises (lors de séminaires, réunions, conseils d’administration, rapport d’activité) communiqué au sujet de ces défauts de communication et rappelé les procédures d’alerte à l’ensemble de la communauté de l’ESA.
Dès la réception du courrier anonyme, nous avons, dès le 19 juin, informé le président du conseil d’administration, qui a immédiatement demandé la mise en place d’une procédure (enquête administrative, cellule d’écoute pour les étudiants et agents, courrier au procureur). Une suspension de l’agent a été légalement impossible car l’agent a été placé en arrêt maladie par son médecin. Un avocat a analysé les témoignages, concluant à un comportement inapproprié (non qualifié de harcèlement sexuel) pour lequel une sanction de première catégorie a été donnée à l’enseignant concerné (arrêté de sanction signé par le président en octobre 2019, vérifiable auprès de l’ESA). De manière concomitante nous avons communiqué sur les mesures et les outils de prévention et de traitement des discriminations et des violences sexuelles, mis en place des formations et un dispositif de médecine préventive. En novembre 2020, la presse locale a fait état d’une plainte qui aurait été déposée en mai de la même année par une ancienne étudiante de l’ESA Réunion à l’encontre d’un professeur, pour des faits qui se seraient déroulés 5 ans auparavant. Nous n’avons reçu aucune information officielle sur cette plainte, en dépit de nos multiples sollicitations auprès de la gendarmerie, et des courriers répétés du président de l’ESA au procureur. Nous avons fait appel au groupe Egaé pour une mission exploratoire et avons signé un contrat élargi en mai 2021 pour renforcer nos procédures contre les violences sexistes et sexuelles. L’agent n’a pas fait l’objet de mesure de suspension car c’était légalement impossible, vu qu’il avait été placé en arrêt maladie par son médecin suite à la parution de l’article de presse. Il n’y a pas eu de traitement inéquitable entre les deux professeurs accusés de harcèlement sexuel. Nous avons appliqué les mesures nécessaires, dans le respect des cadres réglementaires de l’établissement public : l’un était en arrêt maladie et n’a pas pu être suspendu, l’autre a été suspendu à son retour d’arrêt maladie.
Lorsque le courrier anonyme est arrivé, la situation était déjà critique. Dans leur mail du 18 février 2020 les étudiants se sont légitimement étonnés que les alertes lancées précédemment n’aient pas été entendues et je comprends la colère et le sentiment d’insécurité que cela a pu générer. Les retards dans le traitement des alertes ont exacerbé un climat déjà tendu au sein de l’établissement. À notre niveau, nous avons constaté ces manquements et tout mis en oeuvre pour y remédier. Mais une réelle défiance s’était installée, des accusations de partialité et de harcèlement ont été portées contre moi. Ce sont des accusations très graves, que je réfute formellement. Je n’ai pu agir qu’à partir du moment où les informations me sont parvenues, et je l’ai fait dans le respect du cadre légal.
Concernant la baisse des effectifs étudiants, ils correspondent à un contexte de crise de l’établissement, avec « des moyens financiers, humains, techniques et immobiliers insuffisamment adaptés aux besoins et au fonctionnement général de l’établissement, une équipe pédagogique sous-dimensionnée » (HCERES, 2019, p.6), ce qui a été confirmé en 2021 par le rapport de la Cour des Comptes. Afin de construire une adéquation entre les effectifs étudiants et les moyens RH dédiés à la pédagogie ainsi que les espaces disponibles, il avait été décidé de diminuer le nombre d’étudiants admis en première année, de manière très progressive dans un premier temps. Suite à une baisse de financements de 250 000 euros en 2018 (Région et Ville du Port), nous avons, en accord avec la commission pédagogique, décidé d’une baisse significative des effectifs afin de détendre les contraintes. Cela a permis notamment d’attribuer un atelier de production dédié par niveau, d’avoir un meilleur encadrement pédagogique offert aux étudiants et de meilleures conditions de travail pour les équipes. Concernant les accusations de harcèlement à mon encontre, il me paraît utile de préciser que si les procédures disciplinaires engagées en 2019 et 2021 ont parfois été perçues comme des représailles par certains agents, elles étaient néanmoins nécessaires pour garantir un environnement sécurisé pour les étudiants. Par ailleurs, concernant le non-recrutement évoqué dans l’article, je précise que les raisons qui ont conduit l’ESA Réunion à choisir une autre candidate sont liées d’une part à la qualité de son profil (désignée par le jury de recrutement, PEA hors classe, plus de 20 ans d’expérience en école d’art) et d’autre part à la modalité de contractualisation avec le CIG Petite couronne, qui prenait en charge sa rémunération sur un temps plein. Le tribunal administratif, saisi au sujet de ce recrutement, ne l’a, à ma connaissance, pas invalidé.
J’ai entendu la colère et le sentiment d’insécurité générés par les délais de réaction de l’administration, ils sont légitimes. Et j’ai bien compris que les tensions existantes au sein de l’établissement n’ont pas permis la mise en place d’un environnement serein pour la prise de parole. Cependant, les décisions que nous avons prises visaient toujours à protéger les étudiant.e.s, dans le respect des droits des agent·e·s, et à renforcer les protocoles internes contre les VSS. Toute entreprise humaine est perfectible, et nous avons œuvré dans une logique d’amélioration constante, sur ces sujets de VSS, comme sur les autres dossiers sensibles de l’ESA Réunion.