Au terme de près d'un an de travail, 85 auditions lors desquelles près de 400 personnes ont été entendues, la commission d’enquête parlementaire sur les violences commises dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité, réclamée par l'actrice Judith Godrèche au printemps 2024, a remis ce 9 avril un rapport de 313 pages. Un travail monumental, passionnant et indispensable pour le secteur culturel, d'où sont encore exclus les secteurs des arts visuels, mais aussi de l'édition, pourtant tout autant touchés que les autres. Un certain nombre de ses observations ont inspiré le plan contre les violences et le harcèlement sexuels et sexistes (VHSS) annoncé le 7 mars par la ministre de la Culture. En préambule, Sandrine Rousseau, présidente (EELV) de la commission, rappelle que l'enquête s'est attachée au cadre professionnel de l'activité artistique, pour conclure que « les violences morales, sexistes et sexuelles dans le monde de la culture sont systémiques, endémiques et persistantes ». Auprès de L'Hebdo, Erwan Balanant, rapporteur de la commission et député (MoDem), évoque certains facteurs de risques, identiques à ceux que l'on observe dans le milieu de l'art (tant dans les domaines de la création que du patrimoine) : « Culte du “génie” exempté du droit et des valeurs communes, précarité menant à l'omerta, importante hiérarchie et structures très petites, faible syndicalisation, absence de frontière entre vie personnelle et professionnelle (notamment lors de festivités), entre-soi… » Le rapport souligne que les données collectées par le ministère de la Culture demeurent insuffisantes, tandis que l'inspection du travail joue encore un rôle trop faible, et souhaite voir développer la cellule d'écoute Audiens. Parmi les 86 recommandations formulées, plusieurs pourraient bénéficier au milieu de l'art : généraliser les formations au droit du travail et à la prévention des VHSS (notamment dans les institutions et écoles publiques et privées du secteur culturel), mettre en place un réseau de référents sur ces questions, une aide juridictionnelle pour le dépôt de plainte et un meilleur suivi des signalements dans la fonction publique (avec obligation de mesures conservatoires et d'enquête interne), créer un service d’enquête au ministère de la Culture pour aider les structures à petit budget placées sous sa tutelle, instaurer une certification et un label, et conditionner les aides (y compris celles des collectivités) à l'engagement dans la prévention, développer les actions de soutien à la création en direction des femmes et financer la recherche sur les œuvres des femmes et les VHSS. S'il concerne spécifiquement le cinéma et la mode, « le principe d’une interdiction de la sexualisation des mineurs » dans les images devrait créer le débat dans les arts visuels. Le rapport est désormais soumis à l'expertise des organisations professionnelles de la culture, Erwan Balanant soulignant que l'essentiel concerne « des préconisations, peu d'éléments sont susceptibles d'entrer dans la loi ».

Capture d’écran : Assemblée Nationale.