Le Quotidien de l'Art

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Au musée, tatoueurs et tatoueuses font venir de nouveaux publics

Au musée, tatoueurs et tatoueuses font venir de nouveaux publics
L'événement « Tattoo d'arts », le musée des Beaux-Arts d'Orléans a accueilli, du 12 au 14 décembre 2024.
© Musées d’Orléans.

Si le tatouage a fait l'objet de plusieurs expositions depuis le début des années 2010, aujourd'hui c'est sa dimension performative qui intéresse plus particulièrement les musées, entre valorisation de la pratique et dynamisation des collections.

Une vague de « tattoo mania » déferle sur les musées. De la maison-musée de Rembrandt à Amsterdam au musée des Beaux-Arts d'Angers, en passant par les musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, les performances de tatouage vont bon train. Toutes reposent sur le même modèle : des tatoueurs et tatoueuses sont invités à s'inspirer d'œuvres des collections, ou des artistes auxquels le musée est dédié, pour réaliser des tatouages dans les salles, devant le public. Si souvent répétée, la formule pourrait sembler lassante. Et pourtant, chaque événement se caractérise par un foisonnement d'expressions uniques.

Dans le cadre de l'événement « Tattoo d'arts », le musée des Beaux-Arts d'Orléans a accueilli, du 12 au 14 décembre 2024, « cinq tatoueurs très différents pour avoir un large panel d'interprétations à partir des collections », explique Olivia Voisin. La directrice des musées d'Orléans analyse : « Ce qui était intéressant, c'était de voir comment les tatoueurs, chacun avec son style, pouvaient s'approprier des œuvres du XVe siècle à aujourd'hui. » L'un des objectifs des tatouages performés au musée apparaît ainsi clairement : rendre les collections vivantes en proposant de nouvelles lectures.

Pour certains tatoueurs, s'inspirer des collections d'un musée relève du défi. « C'était compliqué de devoir prendre un élément d'un tableau et d'être restreint par ça », avoue Popeye, l'un des tatoueurs ayant participé à l'événement orléanais. L'artiste a choisi de situer un personnage de son répertoire sur un fond inspiré du Ciel d'orage de François Crabit. Si certains décident de s'inspirer librement des œuvres, d'autres optent pour des traductions littérales. Le 15 juin 2024, Altice Descamps a tatoué la figure féminine de Tarquin et Lucrèce (tableau de l'entourage de Jan Massys) au Palais des Beaux-Arts de Lille. « L'idée, c'était de rendre hommage à l'artiste sans retravailler le tableau de manière à le modifier », explique Altice Descamps.

Le tatouage comme art

Ces performances permettent de valoriser le tatouage au sein d'institutions qui disposent d'un fort pouvoir de légitimation. « Travailler avec un musée m'a permis de me dire que ce que je fais, c'est bien un art, même si d'autres ne le pensent pas », confie Altice Descamps. À ce jour, les tatouages ne sont, en effet, pas considérés comme des œuvres d'art dans le droit fiscal. Ainsi, comme le rappelle Manon Lecaplain, directrice du musée Sainte-Croix à Poitiers, les événements de tatouage permettent de donner à voir « des pratiques artistiques plus diverses que ce que les musées ont l'habitude de montrer ». Pour les 50 ans du musée Sainte-Croix, sept tatoueurs ont été invités à réaliser des tatouages inspirés des collections. L'événement a permis de soutenir les tatoueurs à l'échelle locale : les artistes choisis exercent presque tous en Nouvelle-Aquitaine.

Faire entrer le tatouage au musée est aussi un moyen de l'inscrire dans l'histoire de l'art. Dans le cadre de l'exposition « Dürer Under Your Skin: Tattoo Art » à la maison-musée d'Albrecht Dürer à Nuremberg, Maud Dardeau a réalisé un tatouage inspiré de la gravure Hercule au carrefour. « J'ai complètement cassé la gravure d'origine pour la reconstruire afin qu'elle puisse fonctionner en tatouage, explique l'artiste. C'était très symbolique de se retrouver dans la chambre de Dürer lui-même et de travailler sur une de ses œuvres, en sachant qu'il a réalisé ses gravures au même endroit il y a 500 ans. »

Ouvrir les portes du musée

« Un des nombreux objectifs de ces événements, c'est de désacraliser l'image du musée », selon Manon Lecaplain. Voilà un enjeu de taille pour des institutions qui procurent souvent un sentiment d'illégitimité auprès des publics qui n'ont pas l'habitude de les fréquenter. Comme l'explique Edith Schurgers, coordinatrice du service animation des musées de Liège, la triennale Tattoo Flash Day a pour but de « cibler une multitude de publics, tant au niveau de l'âge que des goûts esthétiques ». L'événement organisé le 26 janvier à la Boverie s'est inscrit dans la programmation de la triennale de gravure.

Afin de contrer les freins à la visite, le musée Sainte-Croix et la Boverie ont rendu l'accès aux événements gratuit. Il semble que la formule ait convaincu de nombreux visiteurs : le musée Sainte-Croix a pratiquement atteint le taux de fréquentation de la Nuit des Musées 2024. À Lille, Orléans, Poitiers et Liège, les événements de tatouage obtiennent un franc succès auprès d'un public varié, composé d'habitués et de primo-visiteurs. 

Olivia Voisin.
Olivia Voisin.
© Musées d’Orléans.
La triennale Tattoo Flash Day le 26 janvier 2025 à la Boverie.
La triennale Tattoo Flash Day le 26 janvier 2025 à la Boverie.
© Ville de Liège.
Maud Dardeau travaillant sur un tatouage dans la chambre de Dürer lors de l’exposition « Dürer under your skin: Tattoo Art » à la maison-musée d'Albrecht Dürer à Nuremberg en 2024.
Maud Dardeau travaillant sur un tatouage dans la chambre de Dürer lors de l’exposition « Dürer under your skin: Tattoo Art » à la maison-musée d'Albrecht Dürer à Nuremberg en 2024.
© Maud Dardeau Tatouages.
Un tatouage inspiré d’une œuvre d’Albrecht Dürer réalisé par Maud Dardeau lors de l’exposition « Dürer under your skin: Tattoo Art » à la maison-musée d'Albrecht Dürer à Nuremberg en 2024.
Un tatouage inspiré d’une œuvre d’Albrecht Dürer réalisé par Maud Dardeau lors de l’exposition « Dürer under your skin: Tattoo Art » à la maison-musée d'Albrecht Dürer à Nuremberg en 2024.
© Maud Dardeau Tatouages.
Un tatouage inspiré d’une œuvre d’Albrecht Dürer représentant Saint Jérôme réalisé par Maud Dardeau lors de l’exposition « Dürer under your skin: Tattoo Art » à la maison-musée d'Albrecht Dürer à Nuremberg en 2024.
Un tatouage inspiré d’une œuvre d’Albrecht Dürer représentant Saint Jérôme réalisé par Maud Dardeau lors de l’exposition « Dürer under your skin: Tattoo Art » à la maison-musée d'Albrecht Dürer à Nuremberg en 2024.
© Maud Dardeau Tatouages.
Un tatouage inspiré d’une œuvre d’Albrecht Dürer réalisé par Maud Dardeau lors de l’exposition « Dürer under your skin: Tattoo Art » à la maison-musée d'Albrecht Dürer à Nuremberg en 2024.
Un tatouage inspiré d’une œuvre d’Albrecht Dürer réalisé par Maud Dardeau lors de l’exposition « Dürer under your skin: Tattoo Art » à la maison-musée d'Albrecht Dürer à Nuremberg en 2024.
© Maud Dardeau Tatouages.
La maison-musée d'Albrecht Dürer à Nuremberg.
La maison-musée d'Albrecht Dürer à Nuremberg.
© Olivier Frank.
Maud Dardeau.
Maud Dardeau.
© Maud Dardeau Tatouages.
L'événement « Tattoo d'arts », le musée des Beaux-Arts d'Orléans a accueilli, du 12 au 14 décembre 2024.
L'événement « Tattoo d'arts », le musée des Beaux-Arts d'Orléans a accueilli, du 12 au 14 décembre 2024.
© Musées d’Orléans.
Altice Descamps réalisant un tatouage inspiré de Tarquin et Lucrèce (tableau de l'entourage de Jan Massys) au Palais des Beaux-Arts de Lille en juin 2024.
Altice Descamps réalisant un tatouage inspiré de Tarquin et Lucrèce (tableau de l'entourage de Jan Massys) au Palais des Beaux-Arts de Lille en juin 2024.
Photo : Altice Descamps.
Entourage de Jan Massys, Tarquin et Lucrèce, XVIème siècle conservé au musée des Beaux-Arts de Lille.
Entourage de Jan Massys, Tarquin et Lucrèce, XVIème siècle conservé au musée des Beaux-Arts de Lille.
DR.
Un tatouage réalisé par Altice Descamps inspiré de la figure féminine Tarquin et Lucrèce, tableau de l’entourage de Jan Massys conservé au musée des Beaux-Arts de Lille.
Un tatouage réalisé par Altice Descamps inspiré de la figure féminine Tarquin et Lucrèce, tableau de l’entourage de Jan Massys conservé au musée des Beaux-Arts de Lille.
© Altice Descamps.
Altice Descamps.
Altice Descamps.
Photo : Altice Descamps.
Manon Lecaplain.
Manon Lecaplain.
© Photo Pascal Bastien.

Article issu de l'édition N°2998