Les cinq commissaires, sous la direction de Jeanne Brun (musée national d'Art moderne), ont beau s'employer à nous convaincre que l'Apocalypse n'est étymologiquement que la « révélation » de temps nouveaux ; ils ont beau le démontrer dans une première partie, qui colle à la définition (avec des chefs-d'œuvre tels que la tenture d'Angers ou le Beatus de Saint-Sever aux 292 feuillets de parchemin), et dans une troisième partie, qui dévoile le fameux « jour d'après » (avec les tapisseries d'Otobong Nkanga et Kiki Smith ou le livre pétrifié dans le sel de Tacita Dean), c'est évidemment la deuxième partie, celle de l'apocalypse comme catastrophe ultime, qui retient notre attention. Avec les quatre cavaliers, la grande prostituée, les anges exterminateurs, le dragon à sept têtes, autant de personnages auxquels chaque époque a su donner les traits de bourreaux contemporains... Si le XIXe siècle prépare le terrain, en identifiant dans l'horreur une des sources du sublime, c'est le XXe siècle qui fait définitivement basculer le mot vers l'image d'un infernal embrasement. Les artistes sont depuis longtemps fascinés par le Jugement dernier (les Flamands, Dürer, William Blake) et par son incarnation naturelle, la guerre (Callot, Goya), mais l'iconographie connaît un coup de pouce spectaculaire après 1945 quand la science destructrice fait des pas de géant avec l'arrivée de la bombe atomique. À côté d'analyses savantes et d'une nouvelle traduction de l'Apocalypse par Frédéric Boyer, c'est un essai de François Angelier qui nous accompagne le plus clairement dans cette évolution du sens, en la scandant de quelques repères visuels, comme Godzilla et Independence Day ou littéraires, comme La Route de Cormac McCarthy.
« Apocalypse. Hier et demain », à la BNF François-Mitterrand, jusqu'au 8 juin 2025.