Le Quotidien de l'Art

Acteurs de l'art

Pass Culture : une coupure qui passe mal

Pass Culture : une coupure qui passe mal
Une sortie de classe au musée Bourdelle à Paris.
Riccardo Milani / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP.

« Un projet de fresque auquel 21 classes prennent part depuis octobre, on attendait la validation pour lancer la réalisation », affirme un enseignant sur les réseaux sociaux. « En zone rurale, vu le coût du transport, c'est l'arrêt pur et simple de sorties culturelles », regrette une autre. La nouvelle a créé un vent de panique. Jeudi 30 janvier, le gouvernement annonçait le gel, dès le lendemain et jusqu'à juin, des financements alloués à la part collective du pass Culture, réservée aux activités d'éducation artistique et culturelle des collégiens et lycéens dans le cadre scolaire (spectacles, ateliers, cinéma, visites guidées...). Un budget qui est passé de 97 millions d’euros pour l'année 2024 à 72 millions en 2025, dont 22 pour les mois de septembre à décembre. Or sur ces 50 millions restant, 40 ont déjà été dépensés depuis septembre, notamment pour des réservations en amont. N'en reste donc plus que 10 pour cinq mois. En 48 heures, les enseignants se sont précipités pour faire les dernières réservations, au point de faire planter la plateforme Adage du pass. Pour certains théâtres, cela veut dire que leurs spectacles pour adolescents se joueront sans doute sans spectateurs, tandis que des artistes, déjà précaires, devront annuler leurs workshops. L'association BLA!, dans une tribune, s'inquiète des conséquences pour les médiateurs des lieux d'art. Interrogé par l'AFP, Emmanuel Demarcy-Mota, directeur du théâtre Sarah-Bernhardt à Paris, s'est dit « sidéré » : « Couper court à un projet en cours de route déstabilise, en particulier pour le secteur de la jeunesse pour qui cela est inexplicable. » Le 4 février à l'Assemblée nationale, la ministre de l'Éducation nationale Elisabeth Borne arguait que « depuis le début de l'année, nous assistons à une flambée des réservations, mobilisant (...) les deux tiers de ce qui était prévu pour 2025. C'est pour cela que le ministère a dû suspendre la plateforme ». Se voulant rassurante, elle annonçait que les projets « validés et pré-réservés » seraient financés, ce qui ne change rien à l'équation. En décembre dernier, la Cour des comptes faisait le constat de « l'impact limité » du pass Culture dans l'infléchissement des pratiques culturelles individuelles des jeunes, tandis que sa contribution à l'enrichissement des géants du secteur interroge – à l'image du spectacle du Puy du Fou, que Rachida Dati a choisi, suite à une intervention de la députée Anne Sicard (RN), d'intégrer au dispositif malgré des dérives idéologiques qu'avait dévoilé notamment l'émission Complément d'enquête. La haute juridiction devrait se pencher prochainement sur le volet collectif du pass, qui venait à point nommé soutenir un budget de l'Éducation nationale exsangue et des structures culturelles asséchées par les baisses de budgets, mais aussi développer l'accès à la culture en milieu rural, l'un des chevaux de bataille de la ministre de la Culture.

Article issu de l'édition N°2983