Comment le paysage culturel de Nouvelle-Calédonie est-il structuré ?
Depuis la signature des accords de Nouméa en 1988, la culture ne fait plus partie des prérogatives de l'État français, et relève principalement des trois provinces (Sud, Nord et Îles) dans le cadre de l'autonomisation de l'archipel. L'investissement du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est limité, il coordonne les événements internationaux, comme la participation au Festival des arts et de la culture mélanésiens. Seul le musée de la Nouvelle-Calédonie, fermé pour travaux depuis 2019, est un service administratif qui relève directement du gouvernement. La mission aux affaires culturelles finance des projets au coup par coup, mais pas sur le long terme. Il y a quelques établissements publics qui reçoivent des financements du gouvernement et des provinces. Certaines institutions culturelles, comme les médiathèques, dépendent de municipalités, mais la majorité d'entre elles sont gérées par des associations, ce qui met en péril leur équilibre financier.
Depuis le début de la crise, de nombreuses infrastructures ont été dégradées, voire détruites. Qu'en est-il des musées et des institutions culturelles ?
L'association Témoignage d'un passé (ATUP) a été touchée dès les premiers jours, avec l'incendie d'un entrepôt de stockage de leurs collections et celui de la villa-musée de Païta, le 19 mai. L'ATUP venait de recevoir des fonds de la province Sud pour reconstituer cette villa rurale du début du XXe siècle, mais le projet est à présent compromis. Les médiathèques de Kaméré et de Rivière-Salée, qui dépendent de la municipalité de Nouméa, ont également été incendiées. Toutes deux situées dans des quartiers populaires, elles avaient mis en place des actions à destination des jeunes de moins de 25 ans autour de la lecture et des jeux vidéo. Ces destructions ont été un vrai coup dur pour les agents de la ville. En dehors de Nouméa, il y a eu des destructions de sites patrimoniaux, notamment à Thio, sur la côte est de la Grande Terre et à Bourail, sur la côte ouest, mais pas d'institutions culturelles visées.
Qu'en est-il aujourd'hui ?
À Nouméa, malgré la mobilisation de la Ville qui finance les musées municipaux et le musée de la Seconde Guerre mondiale, une partie des subventions prévues avant le début de la crise ont été supprimées. Le salaire des fonctionnaires est assuré, mais l'essentiel des dépenses est actuellement dédié aux frais de fonctionnement, comme l'électricité, et tout autre projet est mis en pause. Certaines structures vivent au jour le jour, comme le musée maritime géré par une association, qui a dû passer de six à trois jours d'ouverture par semaine et mettre une partie de son personnel au chômage partiel, faute de fonds permettant d'assurer la rémunération. À Bourail, l'unique personne qui gérait le musée a été mise au chômage technique, entraînant la fermeture du musée, tout comme à Thio. Au-delà des risques sur le financement, les institutions sont aussi touchées par ricochet : le chantier de rénovation du musée de la Nouvelle-Calédonie est menacé en raison de la disparition d’entreprises du bâtiment, détruites pendant les émeutes. En revanche, le site historique du bagne de l’île Nou, opéré par l'ATUP, a rouvert il y a peu. Au sein de l'AMEP, plusieurs membres indiquent travailler sur des projets qui ne « coûtent rien », se concentrant sur l'étude des collections. Nous préparons un atelier autour des plans de sauvegarde des collections pour affronter d'éventuelles situations de crise à l'avenir. Mais nous n'avons qu'une vision à court terme, sans perspective au-delà de la fin de l'année. Compte tenu de la situation économique, la mutualisation, voire le regroupement de certains établissements serait une possibilité, mais est-ce faisable au regard du mille-feuille de compétences qui constitue la culture en Nouvelle-Calédonie ? La reconstruction ne doit pas être seulement matérielle, elle doit aussi être morale, car les professionnels du secteur ont été très affectés par ces destructions. Mais j'ai pu observer un véritable élan de solidarité, créant de nouvelles relations dans le voisinage et entre collègues.