Il est bien peu connu en France, et pourtant Salvatore Emblema (1929-2006) a produit une œuvre originale, comme en témoigne l'exposition de la galerie White Cube à Paris. Elle se concentre sur les années 1960 jusqu'au tout début des années 1980, soit deux décennies pendant lesquelles l'artiste italien explore et affirme un procédé qu'il a mis au point à la fin des années 1950, après son retour d'un voyage aux États-Unis en 1957. Il y a été marqué par la radicalité d'un Rothko et par la liberté gestuelle d'un Pollock, le faisant basculer dans l'abstraction. S'il appartient à l'avant-garde italienne de l'après-guerre, il n'intègre cependant aucun mouvement. Il est proche de l'Arte povera, du Land Art ou plus particulièrement de Lucio Fontana, avec lequel il partage cette ambition de faire de la toile un « concept spatial » et n'aura de cesse d'intégrer l'ombre et la lumière comme un médium à part entière. Pour cela, il explore le potentiel des toiles de jute (au maillage grossier et très large) qu'il tend sur le châssis et recouvre de peintures monochromes rayonnantes et opaques. Il affirme ainsi la matérialité des couleurs pour souligner par contraste la transparence du support. Dans son désir de faire de la toile en deux dimensions une surface en volume, il « dé-tisse » certaines zones qui deviennent les fenêtres picturales, des compositions géométriques, des bas-reliefs. Au fur et à mesure, il tend vers un minimalisme mettant en valeur les matériaux pauvres qu'il utilise, tout comme les pigments naturels, des oxydes volcaniques ou des poussières du Vésuve appartenant à son environnement proche. Il est né et a vécu à Terzigno, près de Naples, où il a transformé sa maison en musée et nourri un rêve : « Un jour nous créerons des tableaux sans corps, totalement transparents, faits seulement de lumière et de couleur, sans la toile qui les soutient. »
« Salvatore Emblema », jusqu'au 5 octobre, White Cube Paris, 10 avenue Matignon, 75008 Paris
whitecube.com