À quelques jours des élections législatives des 30 juin et 7 juillet, la perspective de plus en plus réaliste de voir le Rassemblement national accéder à des postes clés du gouvernement fait se délier les langues des structures culturelles, dans la crainte des propositions du parti d'extrême droite. Ce 28 juin à 19h, le Palais de Tokyo, récemment visé par les foudres conservatrices, organise une grande assemblée ouverte et gratuite avec des artistes, penseurs et professionnels de l’art, parmi lesquels Chantal Crousel, Diaty Diallo, Hou Hanru, Thomas Hirschhorn, Jacques Rancière, Emilie Renard et Agnès Tricoire. Pour son président Guillaume Désanges, « il est nécessaire de rappeler avec conviction ce qui, dans l’art, nous rassemble, et quelles valeurs nous portons : la liberté d’expression et de programmation, la diversité des formes, des imaginaires et des publics, l’inclusion de toutes les différences, le rejet de toutes formes de discrimination, de racisme, d’antisémitisme, de sexisme et d’exclusion, la résistance à la désinformation et à la simplification, mais aussi la puissance transformatrice de la créativité, de l’audace, de la beauté et de la poésie face à la peur ». L'assemblée sera enregistrée pour être ensuite diffusée en podcasts. L'Aica (association internationale des critiques d'art), sous la nouvelle présidence de Fabien Simode, a publié un communiqué sur Instagram pour appeler à voter contre le RN : « Déjà fragilisée par la précarité comme par les coupes budgétaires inédites opérées ces derniers mois dans la culture, la création, et avec elle la critique d'art, survivraient difficilement au projet de pétrification porté par le RN. » Le réseau TRAM, qui fédère les lieux d'art contemporain en Île-de-France, enjoint dans sa newsletter à aller voter : « Prenons la parole, mobilisons-nous. » DCA, association française de développement des centres d'art contemporain, partage ses inquiétudes à la suite de l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron, et appelle à une « mobilisation forte et unie » des acteurs du secteur culturel. Les centres chorégraphiques nationaux rappellent quant à eux que leur « engagement pour l’art de la danse, attaché à promouvoir la pluralité et à défendre les diversités, s’appuie sur des valeurs fondamentales qui sont aujourd’hui menacées » et incitent à « opposer aux idées d’extrême droite la résistance la plus ferme ». Il en va de même pour l'association nationale des écoles supérieures d'art (ANdÉA), selon laquelle « la prise du pouvoir par une force politique marquée par un repli nationaliste et identitaire, avec toutes ses valeurs réactionnaires et intolérantes, est incompatible avec les missions de nos écoles ». De manière plus explicite, le collectif Jeunes critiques d'art invite à voter pour l'alliance de gauche du Nouveau Front populaire, « pour protéger celleux que l'extrême droite souhaite voir disparaître. Pour préserver nos espaces de solidarité, de liberté et de création. Pour que l'art et les discours qui l'entourent ne deviennent pas des outils de propagande d'État ». L'intention de vote est la même pour Mohamed Bouabdallah, diplomate et directeur de la Villa Albertine aux États-Unis. Dans une tribune publiée dans Le Monde, il explique : « Quitte à subir les foudres de mon administration, j’ai décidé de sortir de mon devoir de réserve : nous devons empêcher l’arrivée du RN au pouvoir, y compris en votant pour le Nouveau Front populaire. Et, si un tel malheur doit arriver, je ne les laisserai pas me prendre. Je démissionnerai. Entre bourreau et résistant, j’ai choisi. »