Il est primordial pour un artiste de disposer d'un texte critique de qualité sur son travail. C'est le souhait d'encourager ce format d'écriture qui est à l'origine des bourses Ekphrasis, lancées par l'ADAGP en association avec l'AICA France et Le Quotidien de l'Art : elles ont pour objet de mettre en relation 10 artistes avec autant de critiques. Les textes des 10 lauréats de cette quatrième édition (dotés chacun de 2 000 euros, couvrant la rédaction du texte et sa traduction) seront publiés au long de l'année dans Le Quotidien de l'Art, au rythme d'un par mois. Dans cette cinquième livraison, Emma Noyant se penche sur le travail de Sabine Delcour.
L’image ne l’a jamais comblée. Adolescente, elle émet l’hypothèse que ses parents ne soient pas ses géniteurs. L’idée l’obsède. Il lui faut des preuves. Heureusement, son père subjugué par la beauté de sa mère l’a toujours photographiée. Dans la cuisine, au travail, en vacances. Alors, la jeune Sabine cherche une image d’elle enceinte. Cette quête la conduit au laboratoire photo du lycée, pour y lire les négatifs réalisés par son père. C’est là, à partir de cette preuve qu’elle traque et qu’elle ne trouvera pas, qu’elle s’éprend de photographie. Elle tient sa vocation d’une carence, d’un doute, d’une incertitude.
Est-ce pour cela qu’elle commence par le photojournalisme ? À 20 ans, Sabine Delcour assiste les reporters de l’agence Magnum, puis ceux de l’agence Métis. Certes, il faut financer sa Maîtrise de Sciences et Techniques en image photographique. Mais c’est déjà cette quête, ce besoin de répertorier la mémoire des territoires et des hommes, qui se dessine et fait écho au questionnement initial de l’adolescente.
Nous sommes en 1994 lorsqu’elle passe six mois en Asie du…