Un exotisme voyeur de pacotille, permettant de présenter des beautés dénudées dans des environnements stéréotypés et servant à véhiculer une idéologie coloniale. La critique de l'orientalime est depuis longtemps faite mais elle souffre de deux faiblesses principales : elle est en grande partie alimentée par l'Occident (ainsi, la Bassam Freiha Art Foundation a sans complexe ouvert son musée centré sur le mouvement, en mars dernier, à Abu Dhabi) et elle se désintéresse des cas particuliers, comme celui d'Étienne Dinet (1861-1929), qui en est assurément un. Sa transcription de la réalité algérienne n'est pas issue d'un fantasme lointain, mais d'une longue connaissance du pays et de la culture, dont il tombe amoureux lors de son premier voyage de 1883, et qui le fera se convertir à l'Islam en 1913 puis faire le pélerinage à La Mecque l'année de sa mort. Si les jeunes filles locales sont bien présentes dans ses tableaux, elles voisinent avec des paysages somptueux et des scènes de genre, fruit d'une longue observation et d'une réelle empathie. À tel point que celui, assez mal connu en France où il a été pris pour un créateur de clichés, est vu en Algérie, même par les autorités issues du FLN (on voit un tableau en arrière-plan lors de discours officiels de Bouteflika !), comme un « maître de la peinture algérienne » ! Un diagnostic qui déjoue nos préjugés et qui a sans doute joué dans l'explosion de sa cote, qui a décuplé au XXIe siècle (122 000 euros en 1985 chez Laurin-Guilloux-Buffetaud-Tailleur, plus d'un million en 2019 chez Artcurial Maroc, selon les données Artprice). L'exposition montre que le Sud n'est pas qu'un éden étoilé mais aussi un lieu de vie, le cadre d'épopées mystiques et une forme aboutie de communauté, où le sens du collectif prime sur l'individu.
« Étienne Dinet, passions algériennes » à l'Institut du monde arabe, jusqu'au 9 juin 2024.
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