Le Quotidien de l'Art

Halida Boughriet : des corps entre désirs et mémoire

Halida Boughriet : des corps entre désirs et mémoire
Halida Boughriet, "Action", 2003, Betacam numérique PAL, noir et blanc, son, 6 min.
Édition de 5.


© coll. Centre Pompidou/Adagp, Paris 2024.

Il est primordial pour un artiste de disposer d'un texte critique de qualité sur son travail. C'est le souhait d'encourager ce format d'écriture qui est à l'origine des bourses Ekphrasis, lancées par l'ADAGP en association avec l'AICA France et Le Quotidien de l'Art : elles ont pour objet de mettre en relation 10 artistes avec autant de critiques. Les textes des 10 lauréats de cette quatrième édition (dotés chacun de 2 000 euros, couvrant la rédaction du texte et sa traduction) seront publiés au long de l'année dans Le Quotidien de l'Art, au rythme d'un par mois. Dans cette quatrième livraison, Sonia Recasens se penche sur le travail de Halida Boughriet.

« La liberté ne se manifeste que dans la création ou dans la lutte, qui au fond ont le même but, la réalisation de notre vie » - Constant Nieuwenhuys

Désirs

Un élan vital déterminé à agir dans et sur le réel traverse l’œuvre de Halida Boughriet, comme cette main tendue qu’elle offre à des corps anonymes qui l’esquivent, voire la rejettent dans la vidéo performance Action (2003). La caméra suit de près l’artiste déambuler dans les rues de Paris, cherchant à établir le contact avec des passants pressés et méfiants. Par ce geste simple, mais ô combien transgressif, l’artiste dérange de manière poétique et sensible le quotidien pesant d’une foule de corps sans visages. Avec cette action, l’artiste explique chercher à « explorer les relations impossibles ou possibles, entre différentes classes sociales en milieu urbain ». Entretenant de fortes affinités avec les situationnistes, Action (2003) renoue avec leur projet révolutionnaire de refonte totale de la société. L’artiste leur emprunte notamment la pratique de la dérive comme une façon de se déplacer sans but pour mieux se libérer du conditionnement de l’espace urbain. L’oeuvre peut se lire comme la construction d’une situation poétique, une tentative unique et éphémère de sculpter le corps social, appliquant les préceptes de la théorie/utopie de la sculpture sociale défendue par Joseph Beuys. Ce dernier affirme que l’être humain « doit grâce à la force qui se trouve derrière la corporéité, mettre également en mouvement la corporéité de son environnement.[1] » C’est cette même force que Halida Boughriet cherche à transmettre pour transformer la société dans une action dont la radicalité n’est pas sans rappeler celle des performances réalisées dans les années 1970 par des artistes comme Valie Export (Body Configurations, 1972) ou encore Adrian Piper (Catalysis, 1970-1972). Ces dernières…

Halida Boughriet : des corps entre désirs et mémoire
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Article issu de l'édition N°2807