Figure de proue de l'art populaire congolais, Chéri Samba a été révélé en 1989 par la mythique exposition « Magiciens de la Terre » au Centre Pompidou. C'est la première page d'un récit aussi fort que poignant écrit grâce à André Magnin et Jean Pigozzi, dont le musée Maillol dresse actuellement la rétrospective. « La griffe sambaïenne », c'est avant tout la verve d’un langage pictural empreint d’une poésie engagée : la singularité d'un journaliste qui écrit des tableaux, d'un artiste qui peint des textes. Parmi la cinquantaine d'œuvres exposées, il est possible de retrouver Little Kadogo sur laquelle figure cet enfant-soldat, acteur contre son gré d’une situation qui le dépasse et dont il devient victime. La féérie, l’innocence et l’ivresse perpétuelle qu’offre son jeune âge où la guerre n’est jamais plus qu’un prétexte pour laisser libre cours à une imagination débordante, est ici rattrapée par une sinistre réalité. En bas, à ses pieds, se trouve écrit en anglais ce qui pourrait être son épitaphe : « J’aime la paix, c’est pourquoi j’aime les armes », variation de la célèbre maxime « Si vis pacem para bellum » (Si tu veux la paix, prépare la guerre). À l’aune d’un contexte géopolitique sanglant, en proie à une surenchère de violence, n’est-il pas opportun d’en faire une seconde lecture ? C’est du moins ce que laisse suggérer habilement le feu d’artifice chromatique, véritable hymne à la vie, ainsi que la flore qui émaille la composition, promesse d’un lendemain meilleur. Celui qui veut la paix devrait mettre la fleur à son fusil, celui qui veut la paix ne devrait pas être contraint de lever les mains, mais plutôt d’ouvrir grand ses bras : liberté, liberté Chéri Samba !
« Chéri Samba, dans la collection Jean Pigozzi », au musée Maillol, jusqu'au 7 avril 2024.
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