C’est sous le regard de Vladimir Tatline, frappé d’une étoile rouge révolutionnaire, que l’on découvre la nouvelle exposition de Jean-Michel Alberola à la galerie Templon. Cet accrochage, qui se place sous le patronage d’une figure d’avant-garde pour qui l’art accompagne l’utopie d’un nouvel ordre social, s’enracine dans la contre-culture des années 1965-1966-1967, et répertorie les résonances entre mouvements artistiques (expositions, livres, musique) et événements historiques (grèves, émeutes de Watts, soulèvements étudiants). « Une époque charnière qui annonce l’explosion politique des années 1970 », explique Alberola, dont les peintures évoquent les disques et les cassettes (c’était le temps de l’analogique…) de Robert Johnson, Thelonious Monk et Bo Diddley, mais aussi de Bob Dylan et Frank Zappa, chantres de la contestation et de l’anticonformisme. Mais plus qu’une fétichisation d’héros musicaux anciens, Alberola s’interroge sur la place et le rôle de l’artiste dans la société, à l’heure où l’économie de marché tend à annihiler toute charge critique présente dans l’art, et à le réduire à un simple divertissement lucratif. « Ces trois années sont encore libres, alors que dans la fin des années 60, l’argent infiltre les domaines culturels de l’industrie musicale et cinématographique. On se rend compte que cette contre-culture peut se vendre. À partir de là, tout change ». En effet, n’est-ce pas ce que Guy Debord avait nommé « la société du spectacle » ?
« Jean-Michel Alberola. Les Rois de Rien et les années 1965-1966-1967 »
Galerie Templon, 28 rue du Grenier Saint-Lazare, 75003 Paris, jusqu’au 24 février 2024.
templon.com