C’est sous l’appellation « Les Antiquaires et les Décorateurs au Grand Palais » que la première Biennale des Antiquaires ouvrait ses portes en 1962. Les années suivantes, plusieurs décorateurs se succéderont à la scénographie du salon : Pier Luigi Pizzi en 1992, François-Joseph Graf en 2004, Karl Lagerfeld en 2012, Jacques Grange en 2014, Nathalie Crinière en 2016, Jacques Garcia en 2022 sur le nouveau salon Fine Art Paris & La Biennale... Une tradition fortement ancrée puisque la mise en scène de stands remarqués sera signée de ces grands noms de la décoration et de l’architecture d’intérieur. « J’ai réalisé une soixantaine de stands en 20 ans : des mises en scène somptueuses, à tel point que certains clients pouvaient acheter l’intégralité du stand » témoigne François-Joseph Graf en évoquant le stand de Jean-Marie Rossi ou celui de Vallois mettant en scène la collection de Jacques Doucet en 2000 à la Biennale. « Mais aujourd’hui, le salon est plus petit et ne dure que quelques jours, ce n’est donc plus possible de faire de telles réalisations » ajoutant : « J’ai connu la grande époque, lorsqu’il y avait une quinzaine d’antiquaires XVIIIe à Paris ! Aujourd’hui, on ne se meuble plus entièrement dans un style, le goût est au mélange, à l’éclectisme, mais on continue à collectionner de grandes pièces du mobilier royal français. »
La formation de duos
Marella Rossi, qui a repris les rênes de la galerie Aveline au décès de son père Jean-Marie Rossi en 2021, raconte : « Lorsque j’ai commencé en 1999, les décorateurs étaient nos binômes, à tel point que Jacques Grange avait été hébergé chez Didier Aaron. » Lorsqu’en 1968, Didier Aaron fait confiance au jeune Grange, la carrière de ce dernier se lance. De même pour Éric Philippe et le décorateur Pierre Yovanovitch, révélé en 2006 lorsqu’il met en scène des pièces de l’antiquaire dans son appartement du Quai Anatole France, en marge de la Biennale des Antiquaires. Ces complicités se poursuivent : « En 2000, Jacques Garcia a fait la mise en scène de notre exposition sur l’exotisme dans l’art européen, et, en 2019, François-Joseph Graf a réalisé un décor incroyable pour notre exposition ''L’apothéose du génie'' » abonde Marella Rossi. Même sentiment d’admiration de la part de Laura Kugel expliquant comment François-Joseph Graf a refait l’entrée de la galerie en 2014 ou comment René Bouchara a mis en valeur l’actuelle exposition « Ambre ».
L'impact des décorateurs sur le marché
« J’ai un immense respect pour les décorateurs et j’ai hâte d’avoir leur regard, c’est une véritable relation de confiance mutuelle » estime le jeune galeriste Maxime Flatry qui ose exposer des photographies de Paul McCarthy en regard d’un ensemble de mobilier de Paul Dupré-Lafon. De son côté, la jeune décoratrice Marie-Anne Derville a transformé la galerie Dina Vierny le temps d’une exposition (du 18 au 28 octobre 2023) d’œuvres historiques ayant appartenu à la galeriste, compagne et muse de Maillol, mises en dialogue avec des œuvres contemporaines. « Je me vois plutôt comme une metteuse en scène d’intérieur. J’aimerais curater des collections » confie-t-elle, évoquant son mentor, Pierre Yovanovitch mais aussi François-Joseph Graf « de véritables historiens du goût ». « Les antiquaires sont mes alliés » s’enthousiasme Marie-Anne Derville. Et inversement : les clients conseillés par les décorateurs représentant une part substantielle des ventes des antiquaires. Par ailleurs, ils participent à faire grimper des cotes. En vogue par exemple côté design, Gaetano Pesce, Ruhlmann et Charlotte Perriand qui ne cessent d’augmenter, Christian Duc qui revient ou la tendance du mobilier années 80.