Au milieu des années 1960, Sidney Dillon Ripley, directeur de la Smithsonian Institution de Washington, décida d'ouvrir un musée dans une vitrine de magasin du quartier majoritairement africain-américain d'Anacostia. Il voulait encourager les habitants du quartier, qui se rendaient rarement sur le National Mall (où sont situés les musées de la Smithsonian, ndlr), à s'intéresser à ce que son institution avait à leur proposer. À l’occasion du cinquième anniversaire de l'Anacostia Neighborhood Museum (aujourd'hui Anacostia Community Museum, ndlr), en 1972, Ripley écrivit à son directeur et fondateur, John Kinard : « Vous avez fait des choses qui vont au-delà de mon imagination la plus folle », se souvient Samir Meghelli, aujourd'hui conservateur en chef du musée. L'équipe initiale de quatre personnes avait repris l'idée de Ripley et l'avait « renversée pour faire du musée une institution à part entière, se suffisant à elle-même », note Samir Meghelli. À l'époque, John Kinard – qui n'avait jamais travaillé dans un musée, mais avait des années d'expérience comme community organizer (militant associatif de quartier, ndlr) – avait compris que si les Africains-Américains ne se rendaient pas à la Smithsonian, ce n’était pas pour un problème d’accès. C’était parce que les récits que racontait le musée à travers ses objets et ses expositions ne leur parlaient pas et n’avaient rien à voir avec leur histoire ou leur vie. Avec le nouveau musée, John Kinard a donc entrepris de créer de nouveaux récits, capables…